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Idangar, passé entre les miles
- Publié le: 7 juin 2013
GLOBE-TROTTER. Avec un but toutes les 23 minutes, Sylvain Idangar est le buteur le plus efficace de l’OL en Ligue des champions. Mais si tout le monde ne lui parle que de son entrée en Ligue des champions face au Sparta le 8 décembre 2004, l’ailier gauche, qui vient de finir la saison avec les Minguettes et s’apprête à rejoindre Limonest, a plein d’autres histoires à raconter. Faut dire qu’il en a vu du pays.
Si vous vous trouvez un jour dans le quartier de Gerland et que vous souhaitez demander votre chemin pour vous rendre aux Minguettes, on vous souhaite de ne pas tomber sur Sylvain Idangar. Ne vous méprenez pas : ce type est avenant. Mais il a parcouru 30 000 km pour rallier un point à l’autre.
La génération sacrifiée
Né en 1984 à Paris, Sylvain Idangar arrive à Lyon à 15 ans. Il fait partie de la même génération que les Jérémy Berthod, Jérémy Clément, Renaud Cohade ou encore Demba Touré et Yacine Hima. Dans sa promo, on trouve également Kévin Jacmot, son concurrent sur l’aile gauche. « Ce qui n’empêchait pas qu’on s’appréciait beaucoup », assure Idangar. Si les deux joueurs alternent à Lyon, disputant parfois une mi-temps chacun, c’est Jacmot qui sera champion du monde des 17 ans, avec Berthod mais aussi Le Tallec, Sinama-Pongolle, Meghni ou Faty. « Moi, j’arrive dans la sélection juste après… » Un premier rendez-vous manqué. Mais, à l’image de la prometteuse sélection, qui ne fournira qu’un seul international A (Sinama-Pongolle, une sélection, 21 minutes…), la génération 84 de l’OL aura bien du mal à franchir l’obstacle de la concurrence et seuls Berthod, Clément et Cohade connaîtront durablement la L1.
« Le jour de la Fête des lumières en plus »
Il faut dire que Sylvain Idangar commence à intégrer le groupe pro, lors de la saison 2004-2005, alors que l’OL possède l’effectif le plus fort de son histoire. Si ça ne laisse que peu de place aux jeunes – rien qu’à son poste, Malouda, Wiltord, Ben Arfa voire Bergougnoux sont devant lui –, il va au moins en tirer avantage une fois. L’équipe est en effet déjà qualifiée pour les 8ème de finale de la Ligue des champions lorsque le Sparta Prague arrive à Gerland. Et même si l’OL joue encore la première place de la poule à Manchester United, Paul Le Guen a décidé de faire participer tout le monde. « Sly » rentre à 25 mn de la fin à la place de Malouda et marque un quart d’heure plus tard le quatrième but du 5-0 après un une-deux avec Pierre-Alain Frau. « Le jour de la Fête des lumières en plus. »
« Kombouaré, il est prêt à en venir aux mains »
Comme prévu, Idangar ne joue plus de la saison. L’été suivant, il est prêté à Valenciennes, tout frais champion de National. Pas de bol, si l’on peut dire, le promu enchaîne et va terminer premier de Ligue 2. Il n’y a donc pas de raison de casser la dynamique et le joueur d’origine tchadienne n’est utilisé qu’à cinq reprises par Antoine Kombouaré. Ce qui ne l’empêchera pas de rester marqué par le futur coach du PSG : « Un meneur d’hommes. Tu sais que tu vas te défoncer sur le terrain… et que si tu t’embrouilles avec lui, il est prêt à en venir aux mains. » Heureusement pour Sylvain et son mètre 72, ce ne sera pas le cas.
« Houllier, je lui en veux »
Malgré ce prêt peu concluant, le retour à Lyon se passe bien. Gérard Houllier, qui a repris l’équipe un an plus tôt, l’aligne lors des matchs amicaux de débuts de saison. « Et j’étais en forme. » Les internationaux, qui ont disputé la Coupe du monde en Allemagne, ne sont évidemment pas encore tous revenus mais le coach retient Idangar. « Il m’a dit qu’il comptait sur moi. Sauf qu’après, je ne suis jamais dans le groupe. » Sylvain Idangar est tout à fait conscient qu’il y a un « un gros effectif » (« Quels joueurs m’ont impressionné ? Mais ils m’ont tous impressionné ! »). Ce qui ne ne l’empêche pas de rester amère : « Houllier, je lui en veux. Ç’a été une année de perdue. » Une année durant laquelle il se verra petit à petit « sorti du vestiaire, avec Grégory Bettiol, Yacine Hima et Mourad Benhamida ». À la fin de la saison ? « Rien de concret » pour un joueur qui ne compte finalement qu’une demi-douzaine de matchs en pros à déjà 23 ans. Sylvain Idangar a raté le train. Tant pis : il va prendre l’avion.
En Arabie Saoudite, « on était des stars »
Le Parisien débarque à Tabouk, en Arabie Saoudite, dans le club d’Al Watani. Il embarque son pote Yacine Hima dans ses bagages. Là-bas, il est bien payé (environ 20 000 dollars mensuels) et agréablement surpris : « C’est le plus haut niveau du Golfe. » Et, surtout : « On jouait tous les matchs ! On était les deux stars. Mais je m’étais dit que je ne resterais qu’un an. Sauf que quand tu es là-bas, les clubs ne te calculent plus. On nous a proposé de prolonger. On s’est tâté mais on voulait voir autre chose. »
« Salade » en Algérie, retour « en pagaille » et coloc’ chez Ben Arfa
C’est alors que l’ES Sétif contacte Idangar pour un contrat d’un an, « encore mieux payé ». Au début, tout roule avec l’équipe algérienne entraînée par le Français Bernard Simondi. « Puis ils lui ont fait une salade. Ils l’ont remplacé par un local et n’ont plus fait jouer que les Algériens. » Au bout de six mois, il réussit à négocier la moitié de son salaire restant et à reprendre sa liberté. « Je reviens en pagaille. » Il n’a aucun plan et tente même un coup de fil, au bluff, à Luis Fernandez, alors à Reims. L’affaire ne se fait pas et Idangar débarque finalement à Cassis-Carnoux, en National. « Ça tombait bien. En plus, Hatem habitait à Cassis, du coup j’ai vécu chez lui. » Les deux Parisiens passés par l’OL ont même l’occasion de jouer l’un contre l’autre à l’occasion d’un match de mi-saison. Sur son aile gauche, « Sly » fait à peu près ce qu’il veut de Laurent Bonnart. La fin de saison se passe bien et le club se maintient.
« T’attends, t’attends. Et tu rates le mercato »
Malgré la demande de ses dirigeants, il ne souhaite pas rester dans les Bouches-du-Rhône. Peut-être une erreur avec le recul, mais le joueur espère encore grimper un échelon. Il refuse même d’autres offres. Et c’est le coup classique : « T’attends, t’attends. Et tu rates le mercato. » Résultat : six mois sans jouer. « Le samedi, ça rend fou. Tu te dis que tu vas signer dans un petit club juste pour mettre un maillot. » Il reçoit finalement un coup de fil d’un agent : « Ça t’intéresserait le Portugal ? » Direction Santa Maria da Feira, à une trentaine de kilomètres de Porto, et le club de Feirense, en 2ème division. Après une période de remise en forme, Idangar gagne sa place mais l’équipe rate la montée de justesse. Et puis, « le salaire, c’était pas trop ça ».
« En Thaïlande, ils font des toros en l’air et à deux touches de balle ! »
S’il se doute que son salut passera une fois de plus par l’étranger, avec un œil sur les pays de l’Est, il ne s’attend sûrement pas, au début de la saison 2010-2011, à se voir proposer la Thaïlande. « Faut voir. » Sur place, il découvre des installations haut de gamme. « Et une maison filée par le club… » Sylvain Idangar accepte donc la proposition du Bangkok Glass Football Club. Il apprend les rudiments du thaï, « un peu sur le tas », comme il s’est efforcé à parler la langue de chaque pays où il est passé. Une volonté d’indépendance, mais aussi de « respect ». Et le foot dans tout ça ? « Techniquement, le niveau est bien : là-bas, ils font des toros en l’air et à deux touches de balle ! Bon, tactiquement, il y a des lacunes. »
Marre de « passer sa vie sur Skype »
Mais après un an en Asie du sud-est, Idangar a envie de se poser. Parce que les voyages, c’est bien, mais ça suffit de « passer sa vie sur Skype ». Et quand il revient, c’est à Lyon. « J’ai des attaches. » Karim Mokeddem, qui s’était occupé de sa préparation physique entre son départ de l’OL et sa signature en Arabie Saoudite, le convainc de signer aux Minguettes, dont il est l’entraîneur, pour la fin de la saison. Idangar fait même ses grands débuts devant les caméras d’Eurosport pour le 8ème de finale de Coupe de France contre Nancy (0-2 après prolongation). Mais malgré un parcours chaotique, l’ancien espoir de l’OL est encore au-dessus du lot en CFA 2. Et que dire en Honneur, où il joue les deux derniers matchs, pour trois buts et quatre passes décisives, afin de sauver la réserve. Sur les terrains amateurs, les joueurs qu’ils croisent savent encore à qui ils ont affaire. « Certains me disent : ‘Mais purée, t’as marqué en Ligue des champions ! Moi j’arrête le foot après ça !' » Quand le ballon est dehors, on lui demande : « Alors, tu vas faire quoi ? ». Eh bien il va les recroiser. « Là, maintenant, j’en ai marre. J’ai 29 ans, deux filles. J’ai bien envie de me poser. » Car s’il a un temps envisagé de décrocher un contrat en Ligue 2 ou National, où il a eu quelques touches, Sylvain Idangar était ouvert à un « projet ambitieux ». Le club de Limonest (DH) a le profil, et c’est pour cela qu’il a donné sa parole aux dirigeants. Ne manque plus que les formalités administratives. Une nouvelle aventure. Mais à vingt bornes cette fois.
Propos recueillis par Pierre Prugneau