Le problème de l’OL est de couler trop lentement

OL

MY HEART WILL GO GONE. C’est la première heure du naufrage du Titanic. Le pont penche de plus en plus, mais ce n’est pas si franc. Les passagers hésitent à se glisser dans les chaloupes car les signaux, bien que de moins en moins rassurants, ne pèsent pas lourd face à l’idée que le paquebot est insubmersible (et en plus, le capitaine a 35 ans d’expérience). À quel moment commence l’inquiétude ?

L’OL coule en douceur, sans véritable heurt, et c’est peut-être là le problème. Pourtant, à l’été 2015 (avant-hier, donc), l’OL est dauphin du PSG, à 8 points du champion. Le club aborde alors l’avenir avec confiance : avant même le grand stade qui sera inauguré dans quelques mois, le club s’est redressé financièrement et, après des mercatos à moins de 5M€, investit sur Sergi Darder, Mathieu Valbuena, Rafael, Claudio Beauvue ou Mapou Yanga-Mbiwa. La saison est agitée, certes, Fournier est licencié, et en 2016, l’OL termine à 21 points du champion cette fois – mais à nouveau deuxième, alors pourquoi s’inquiéter ?

Lecture subjective des objectifs

En 2016/17, l’OL devait gagner le Trophée des Champions (défaite 1-4 contre le PSG) et la Coupe de la Ligue dont la finale se joue à Lyon (éliminé au premier tour contre Guingamp à domicile), sortir de sa poule de Ligue des champions (3e derrière la Juve et Séville), rester dauphin et réduire l’écart avec Paris (finalement 4e de L1). Ces ratés poussent Aulas à faire, dès janvier, de la C3 un objectif « inscrit en lettres d’or », mais l’OL échoue en demi-finales. Au fond, si on ne regarde pas les chiffres (11 points de retard), l’OL est « au pied du podium » et quand même demi-finaliste d’une coupe d’Europe. Entre Gonalons qui s’interroge sur l’ambition du club et Jallet qui célèbre des objectifs atteints « même si ce ne sont pas ceux du départ », le club donne plutôt raison au second.

Tuto : devenir insider de l’OL
même depuis Charleville-Mézières

L’OL revient d’ailleurs vite sur le podium  : 2018 et 2019 à la troisième place. Qu’importe que cette place ne soit qualificative pour la C1 que sur un critère aléatoire (l’identité du vainqueur de la C3). Deux qualifications d’affilée en Ligue des Champions, et même un huitième de finale contre Barcelone (0-0, 1-5). Pas de palmarès ? Bon. (Encore que, l’Eusébio Cup…) Un feuilleton autour de la prolongation de Genesio particulièrement mal géré et ponctué par un flop en demi-finale de coupe de France ? Pas si grave. D’ailleurs, l’OL tourne une page et s’ouvre à l’idée d’un directeur sportif, et d’un entraîneur étranger. Une manière de calmer les supporters, largement responsables de l’ambiance lourde au club, par moments… ça ira mieux de ce côté là. Le stade crache des billets, croissance à deux chiffres tous les six mois, l’OL doit très bientôt retrouver la gagne.

Verre à moitié plein, stade à moitié vide

Hélas, Sylvinho tient 10 matchs avant d’être remplacé par Garcia, très vite, pour sauver la saison. Dans les faits, ça ne marche pas tout à fait. Censé mettre le club sur le podium pour les fêtes de fin d’année, l’ancien coach marseillais redresse la barre laborieusement (10e à la trêve). Début mars, l’OL n’est encore que 7e, place définitive du club. La faute au Covid, qui a rogné 10 matchs de la saison. Avec ces 10 matchs, Lyon serait revenu dans les trois premiers assurent Garcia et tout le club. Et puis l’OL tape la Juve et City, et atteint la demi-finale de la C1, quand même.

C’est décidé, Aulas ne compte pas cette saison dans les stats de qualification d’affilée en coupes d’Europe, une série qui reste donc officiellement toujours en cours. Pourtant, en 2020/21, l’OL n’a que la Ligue 1 et la Coupe de France au calendrier : une bonne raison de viser la deuxième place ! D’autant que l’effectif n’a perdu aucun taulier, et récupéré Lucas Paqueta. L’espoir de faire même mieux existe quand l’OL rafle le titre de champion d’automne devant un PSG qui toussote. Le rouleau compresseur qatari a des ratés, ce pourrait être l’année de Lyon… ce sera celle de Lille, et l’OL termine 4e. Oui, mais avec un gros total de points (76 pts). Et Lyon est qualifié direct pour la C3, compétition bien dimensionnée pour le club.

La faute de ceux qui ne sont plus là (et des supporters)

En 2021/22, avec un nouvel entraîneur (Bosz), la Ligue Europa s’arrête en quart sur une claque. À côté, l’OL sort d’entrée de jeu de la Coupe de France (une histoire de tribune qu’on ne saurait imputer aux dirigeants du club) et termine 8e de Ligue 1. Mais au fond, c’est la faute de Juninho, qui a choisi Garcia plutôt que Blanc parmi une ambitieuse liste de 3 noms. Et puis, même l’arrivée de Lucas Paqueta, attribuée au Brésilien, ne se serait jamais concrétisée sans Aulas, qui est toujours là avec ses 35 ans d’expérience.

En 2022/23, à nouveau, on remercie l’entraîneur après 10 matchs. Ce Bosz était au fond une idée de Juninho, Aulas voulait Blanc, et ce dès octobre 2019 : oui, en définitive, tout ce qui est arrivé de décevant sur ces deux années relève de coachs choisis par l’ex-directeur sportif… et donc des supporters, puisque ce sont eux qui voulaient absolument le retour du Brésilien. Ah, si on avait écouté Jean-Michel Aulas ! Mais on ne l’y prendra plus, et fort de sa méthode, sans se laisser influencer, ça va aller mieux.

Pas de quoi s’alarmer

Aujourd’hui, c’est vrai, l’OL peine à redresser la barre, mais c’est l’héritage de Bosz (donc la faute de Juninho, et donc celle des supporters). Il a mal préparé l’équipe, donc le pauvre Blanc n’a rien pu faire sur les cinq matchs avant la trêve. Sur décembre, l’OL a fait une belle préparation, tout le monde vous le dira. Et si elle ne paye pas, c’est que les joueurs sont touchés mentalement (c’est la faute des autres, ceux qui étaient là avant). Pas de quoi s’alarmer. En attendant, l’OL réveille chaque mois des records négatifs datant des années 90. Ne place plus le moindre joueur en équipe de France. Se prépare a priori à une onzième année sans trophée, une quinzième loin du titre de champion. Pourrait bien connaître une troisième année sans coupe d’Europe en quatre ans. A licencié cinq de ses huit derniers entraîneurs.

Aurait-il fallu que l’OL connaisse subitement, au cours de ce dernier octennat, un gadin monstrueux ? Échapper de peu à la relégation, par exemple ? Cela aurait peut-être joué un rôle d’électrochoc que le cycle actuel n’a jamais vraiment suscité. L’autosatisfaction et la culture de l’excuse permanente au sein du club auraient peut-être été mises à plus rude épreuve que ces dernières années où, de proche en proche, chaque saison ne semble pas considérablement pire que celle d’avant. Cela aurait sans doute bousculé certains observateurs extérieurs du club qui tardent à saisir que le club recule de manière trop constante pour que ce ne soit que conjoncturel ou juste la faute des joueurs. Ou des supporters, puisque c’est à la mode.

Eloi Pailloux

(Photo L. Domozetski / OL)

Commenter

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>