Patrice Lair, l’envol d’un électron libre

CHANGEMENT D’ÈRE. Après quatre saisons à collectionner les trophées sans rival digne de ce nom dans l’Hexagone, Patrice Lair a mis fin à son aventure lyonnaise mardi. Retour sur la grande trace laissée par le Breton à l’OL, et sur ses perspectives de rebond.

Football : Lyon / Arsenal - Ligue des champions - 09.04.2011 -

Ambitieux et obstiné, Patrice Lair n’a peur de rien. Mais difficile d’imaginer un président de L1 suffisamment courageux -ou fou- pour prendre le risque. (Photo Panoramic – Frédéric Chambert)

 

Un technicien entier

Jamais Patrice Lair n’avait passé plus de deux saisons sur le même banc de touche. Après avoir goûté aux prémices du football féminin de haut niveau à Montpellier (une demi-finale de Ligue des champions en 2006), cet ancien milieu défensif de 3e division savait où il mettait les pieds en rejoignant Lyon, alors quadruple champion de France en titre. En instaurant souvent une double ration d’entraînements dans la même journée, une absence de passe-droit (même Lotta Schelin s’est retrouvée en DH), des changements très fréquents de systèmes de jeu (du 4-2-3-1 au… 3-2-5 !) et une culture de la gagne sans faille (un seul revers en quatre saisons de D1, en janvier contre le PSG), Patrice Lair a vite mis sa patte sur un groupe surdimensionné pour le championnat. Parmi ses grandes réussites, il y a évidemment le retour immédiat à Lyon de Sonia Bompastor et Camille Abily dont il a toujours été très proche. Sans lui, elles ne seraient peut-être jamais revenues à l’OL. Sans elles, l’OL aurait-il fait main basse sur autant de trophées ? Au vu de la régularité des deux internationales et du liant qu’elles ont mis dans la vie de groupe, rien n’est moins sûr. Avec Lair, Wendie Renard est passée d’une latérale droite nonchalante à une patronne de défense devenue capitaine des Bleues. À son crédit également : du jeu et encore du jeu, quels que soient l’adversaire et la compétition, avec une attention particulière à recruter des joueuses techniques comme Bussaglia, Rapinoe et Kumagai en plus de Bompastor et Abily.  

 

La passion n’était plus là

Sa mémorable rage affichée dans la douche après la raclée infligée à son ennemi juré Juvisy (6-1 le 21 avril 2013, vidéo ci-dessous), une semaine après un non moins mémorable bras d’honneur adressé au banc adversaire pour ponctuer la demi-finale aller (3-0) de Ligue des champions 2013 en dit long sur la passion d’un coach souvent dans la démesure.

 

 

Une nature qui a fini par user l’Américaine Megan Rapinoe, dont le départ précipité en janvier dernier aura été perçu comme le signe d’un effritement entre vestiaire et coach. Tout attachant qu’il soit, son tempérament peut user dans la durée… tout comme la trop faible compétitivité de la D1 féminine l’a lui-même usé. Jamais encore ses troupes n’avaient montré autant de lassitude que cette saison, avec quatre victoires contre des seconds couteaux (Arras, Rodez et deux fois Yzeure) par un seul but d’écart. L’élimination retentissante contre Potsdam, dès novembre en 8es de finale de Ligue des champions, restera le souvenir marquant de cette saison 2013-2014. Car le Briochin le sait parfaitement : même le nouveau doublé championnat-Coupe de France qui se dessine ne peut être valorisé sans un parcours européen digne de ce nom. Une frustration d’autant plus grande qu’il a cherché à secouer tout le football féminin français durant quatre ans, à l’instar de sa croisade contre Bruno Bini.

 

Un rebond dans le foot masculin ?

Il a certes révélé un intérêt ces derniers mois pour le football féminin américain, envisageant prendre un club avant de viser la sélection US. Mais Patrice Lair va sans aucun doute davantage considérer les opportunités dans le football masculin. Peut-être pour une nouvelle expérience en Afrique où ses précédentes aventures humaines au Bénin et au Rwanda l’ont marqué. Dans le long entretien qu’il nous avait accordé, il évoquait aussi son rêve de coacher le Stade Rennais et de bouleverser un certain conformisme dans le coaching. « En L1, on reste toujours dans les mêmes systèmes, même quand on prend le bouillon », reprochait ce technicien dont le profil détonnerait à coup sûr. Prendre part au gratin européen chez les filles (deux Ligues des champions remportées) l’a rendu très ambitieux. Il a refusé des pistes en L2 ces dernières années et ne se voit ni dans un costume d’adjoint, ni batailler pour le maintien en L1. S’il se plaint d’un certain mépris de la profession envers le football féminin, il souffre sans doute aussi d’un « syndrome Paul Le Guen », qui ne se voyait pas créditer d’un mérite immense en L1 après ses trois titres de champion avec le grand Lyon de l’époque. Un autre Breton d’ailleurs, dont le caractère lui ferme par contre moins de portes que celui de l’homme qui ne s’appellera jamais « Patrice Courtois ».

Jérémy Laugier

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