OL : Lucas Tousart, opération sentinelle

DÉCRYPTAGE. On en parle au final assez peu. Les suiveurs de l’OL sont souvent plus prompts à se pencher sur le jeu vertical de Tanguy Ndombele ou la qualité de passes d’Houssem Aouar. Mais, à même pas 21 ans (il les fêtera le 29 avril), il a été propulsé clef de voûte du milieu lyonnais, poussant au passage le capitaine Maxime Gonalons vers la sortie. Il a déjà disputé 44 rencontres cette saison : seul Marcelo fait aussi bien parmi les joueurs de champ. Il est le seul pur milieu défensif de l’effectif lyonnais – ce qui en dit long sur la confiance qu’on lui accorde. Lui, c’est Lucas Tousart.

Débarqué de Valenciennes à l’été 2015 précédé d’une flatteuse réputation (en même temps qu’un Olivier Kemen à la trajectoire nettement moins météorique depuis), il incarne la volonté lyonnaise de miser sur des talents en post-formation pour compléter les classes sorties de l’Académie – à l’image de Gueïda Fofana ou Maxwel Cornet (ignorons volontairement Jean-Philippe Mateta). Après avoir vraiment explosé la saison dernière, tantôt avec Gonalons dans un double pivot de sinistre mémoire, tantôt seul devant la défense (sans doute son meilleur poste), il s’est retrouvé affublé de lourdes responsabilités cette saison, puisqu’il est le seul milieu défensif de métier au sein d’un effectif copieusement garni en relayeurs (Ferri, Ndombele, Diop et Grenier en début de saison, sans compter Aouar). Mais où en est Tousart aujourd’hui ?

Tousart, d’abord un porteur d’eau ?

Son rôle est avant tout celui d’un milieu défensif « à l’ancienne », notamment car il est entouré de créateurs (Aouar, Ndombele, Memphis, Traore, Fekir…). Le cahier des charges de son poste est clair, quel que soit le schéma : stabiliser le milieu, protéger la défense et aider à ressortir les ballons. Statistiquement, les rôles de chacun ressortent d’ailleurs assez clairement : Tousart est celui qui réalise le plus d’interceptions, remporte le plus de duels et bloque le plus de frappes adverses. Il est aussi celui qui crée le moins d’occasions par la passe et frappe le moins au but.

(Données Opta via Squawka. Moyenne en Ligue 1 par 90 minutes.)

Pas vraiment de surprise jusque-là : ses statistiques collent avec son rôle, et ce quelle que soit la configuration tactique adoptée par Bruno Génésio. L’ex-Valenciennois est naturellement plus à l’aise dans un rôle reculé, face au jeu. La transmission et la capacité à casser les lignes par la passe sont un point sur lequel il doit progresser – en témoignent son nombre limité de passes-clés, ainsi que son taux de passes réussies. Mais on notera aussi dans sa longueur de passe moyenne, supérieure à celle des 2 autres, qu’il ne rechigne pas à jouer long. Il avait, la saison dernière, su se transformer par moments en menace offensive, avec 2 buts et 2 passes décisives. Il donne le sentiment de moins se lâcher à ce niveau cette saison – une question de consignes ? Toujours est-il que Tousart n’affiche aucun but ni passe décisive en 44 matches.

Les dessous du losange,
collection printemps 2018

Et la cour des grands ?

Pour mieux cerner son niveau, quoi de mieux que de le comparer aux références à son poste en Ligue 1 ? Nous éviterons d’y inclure un joueur parisien – d’abord car le PSG ne compte pas vraiment de pure sentinelle ayant joué un nombre de matches comparable, mais aussi car la domination du club de la capitale sur le championnat fausse les statistiques individuelles de certains de ses joueurs. C’est donc à deux références brésiliennes que le Lyonnais va ici se frotter : le joueur le plus défensif du milieu monégasque, Fabinho, ainsi que le métronome de l’OM, Luis Gustavo.

(Données Opta via Squawka. Moyenne en Ligue 1 par 90 minutes.)

Ce que cette comparaison nous apprend ? Principalement deux choses. La première, c’est que l’Aveyronnais affiche des statistiques défensives comparables aux deux Brésiliens, arrivant même en tête au nombre d’interceptions et de frappes contrées par 90 minutes. La seconde, c’est que l’on voit également le chemin qu’il lui reste à parcourir au niveau offensif pour se hisser à la hauteur de références de notre championnat. Fabinho et Luiz Gustavo savent en effet se distinguent par leur contribution offensive, le premier par sa capacité à créer le danger par la passe (1 occasion créée par 90 minutes) et ses coups de pieds arrêtés, le second par sa frappe de balle.

Tousart, l’héritier

Ce portrait ne serait pas tout à fait complet si l’on ne comparait pas Tousart au joueur qu’il a remplacé dans le 11 de Bruno Genesio : Maxime Gonalons. Et même si l’ancien capitaine lyonnais donnait depuis deux saisons l’impression de s’être éloigné du niveau qui en a fait un temps un international français, ses statistiques 2016/2017 montrent qu’il restait une valeur très sûre en Ligue 1, comme en témoignent sa capacité d’interception et de récupération (3.18 ballons récupérés vs. 1.78 pour Tousart cette saison).

(Données Opta via Squawka. Moyenne en Ligue 1 par 90 minutes.)

Pour résumer, Lucas Tousart s’est tranquillement imposé comme un titulaire discret mais indiscutable dans l’axe du milieu lyonnais. Afficher 78 matches au compteur avec l’OL à 20 ans constitue une première preuve de maturité. Sa marge de progression est évidente, mais afficher à un si jeune âge des statistiques défensives du niveau des références à son poste en Ligue 1 témoigne de sa précocité. Bien installé dans le milieu lyonnais et en équipe de France Espoirs, Lucas Tousart a tout pour continuer à progresser et à s’épanouir à l’OL.

Étienne M.

(Photo SM Caen)

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