OL – Chelsea : la preview tactique

Chelsea

FÉMININES. On pourrait presque parler de choc des extrêmes à l’aube de cette demi-finale de Ligue des Champions féminine, entre une équipe qui a réaffirmé avec la manière son statut de favori de la compétition et de leader de son championnat et une autre déjà hors course pour le titre national et qualifiée in extremis pour le dernier carré européen. Mais l’écart de niveau entre l’OL et Chelsea est-il finalement aussi important que les différences de dynamique des deux clubs ? Tentative de réponse avec cette analyse détaillée des forces et faiblesses de l’équipe anglaise.

La saison en cours

La saison 2018/19 restera très probablement pour l’équipe de Chelsea comme l’une de celles à oublier très rapidement. Pourtant double championnes en titre (FAWSL Spring Series 2017 – la courte saison de transition entre l’ancien et le nouveau format du championnat anglais – et FAWSL 2018) et vainqueures de la FA Women Cup 2018, les Blues ratent complètement leur début de championnat : un 0-0 tout juste satisfaisant face à Manchester City lors de la première journée, deux autres matches nuls et vierges plus inquiétants face à Bristol et Everton dans la foulée, et une sortie de route complète 5-0 face aux rivales d’Arsenal lors de la cinquième. Au terme de cette entame catastrophique, Chelsea n’a donc remporté qu’un match sur cinq et accuse déjà un retard conséquent sur Manchester City (5 points) et Arsenal (9 points).


À la suite de cette débâcle, un réajustement d’organisation (dont nous parlerons plus en détail dans la partie tactique) permet à l’équipe de lancer enfin sa saison malgré un quatrième match nul assez malchanceux face à Birmingham lors de la sixième journée (Karen Carney aura une balle de match sur un penalty sauvé par la gardienne adverse de l’époque, Ann-Katrin Berger aujourd’hui à… Chelsea), et de signer une très belle série de sept victoires consécutives, en remportant notamment un succès précieux lors du match retour face à Arsenal.

Mais deux nouvelles contre-performances mettent rapidement fin aux espoirs de titre national pour les Blues, qui concèdent tout d’abord une défaite surprise à domicile lors de la quatorzième journée face à une vaillante équipe de Birmingham (avec notamment un but superbe de Lucy Quinn), puis un match nul extrêmement bien payé face à Manchester City lors de la quinzième journée. Largement distancée des deux premières places en FA WSL, éliminée des deux coupes nationales par Manchester City (en demi-finales à chaque fois), l’équipe de Chelsea n’a plus aucune compétition nationale à jouer en cette fin de saison, et devra même rester appliquée pour les deux journées de championnat restantes, car le podium n’est pas encore acquis avec certitude.

Finalement, la Ligue des Champions féminine reste la compétition où les Blues ont été le plus en réussite : après deux tours tranquilles face au club bosnien de SFK 2000 (5-0 ; 6-0) et Florence (1-0 ; 6-0), les Anglaises sont parvenues à éliminer le PSG en quarts de finale dans les toutes dernières minutes d’un match retour qui paraissait pourtant assez mal embarqué (2-0 ; 1-2).

Le système de jeu

Le résumé de la saison actuelle de Chelsea laisse au final transparaître une question assez simple : comment une équipe sortant d’un doublé coupe-championnat se retrouve l’année suivante rapidement hors du coup dans toutes les compétitions nationales ?

Pour tenter d’apporter une réponse pertinente, il faut analyser l’évolution tactique de cette équipe au cours des deux dernières années. La réussite de la saison dernière tient principalement à l’application parfaite des schémas tactiques proposés par Emma Hayes, reposant sur une ligne de pressing assez haute et une utilisation systématique des ailes pour lancer les offensives. Plus précisément, l’idée est de récupérer la balle le plus rapidement possible, puis d’étirer les offensives sur toute la largeur du terrain afin d’essayer de créer des situations de déséquilibre qui pourront être exploitées aussi bien par les joueuses de couloir (qui auront du coup plus facilement des un-contre-un à jouer ou qui seront en positions de frappes plus favorables) que par les créatrices (qui pourront prendre le temps et la vitesse nécessaires au lancement de leurs séquences de passes ou dribbles rapides).


L’illustration parfaite d’une attaque de Chelsea sur toute la largeur du terrain : à la suite d’une récupération d’Hannah Blundell sur le côté droit, Maria Thorisdottir renverse complètement le jeu à gauche sur Gemma Davison, qui dispose de tout le temps nécessaire pour fixer son vis-à-vis et lancer l’action décisive avec un centre parfait sur Karen Carney.


L’application du surnombre offensif sur petit périmètre : Ji So-Yun étant démarquée, elle peut prendre le temps de récupérer la passe d’Hannah Blundell et de tirer parti du déséquilibre défensif de City pour amorcer une séquence en une touche de balle Kirby-Bachmann-Spence qui permet à cette dernière de trouver une position de frappe sans opposition à 8 mètres des buts (mais de buter sur une grande Ellie Roebuck). 

Dans une configuration tactique aussi extrême, les attaques centrales sont uniquement utilisées dans le cadre de récupérations hautes ou de contre-attaques, où l’objectif est alors de permettre l’attaquante de pointe (très souvent Fran Kirby) de trouver une position de frappe le plus rapidement possible.


0:00 + 1:56 – Pas forcément la tactique la plus folle, mais ça permet toujours de sanctionner une domination territoriale stérile des adversaires.

L’intersaison 2018 est marquée par quelques départs (Gilly Flaherty et Claire Rafferty à West Ham, Gemma Davison à Reading, Eniola Aluko à Turin, plus Crystal Dunn en milieu de saison pour jouer la WPS avec North Carolina), mais surtout la retraite de la capitaine et ancienne internationale Katie Chapman, dont le rôle au milieu était prépondérant pour stabiliser l’entrejeu. Pour ajuster son effectif sans bousculer (en théorie) sa philosophie de jeu, les Blues enregistrent notamment les arrivées d’Ali Riley (Rosengård), Sophie Ingle et Bethany England (Liverpool), Adelina Engman (Göteborg).

Sauf qu’en pratique, Chelsea joue de manière plus attentiste et déploie un jeu offensif beaucoup plus direct que la saison précédente (Bethany England étant plus sur un profil de finisseuse que percuteuse comme pouvait l’être Gemma Davison), ce qui donne parfois quelques variations offensives assez intéressantes, mais souvent des actions stéréotypées, où Fran Kirby est tout simplement sollicitée dans tous les mouvements de jeu. Cette tactique met du coup moins en défaut les blocs adverses et crée des situations offensives beaucoup plus difficiles à conclure.

La dynamique offensive de l’équipe est plombée par les trois matches nuls et vierges de début de saison, et le choix de composition extrêmement offensif pour la venue d’Arsenal avec la non-titularisation de Sophie Ingle en milieu défensif (l’objectif étant de forcer les joueuses d’Arsenal à déjouer en les faisant reculer et défendre le plus possible) se soldera par un échec cuisant, les Blues étant incapables de conserver le ballon sous la pression et d’enrayer les contre-attaques adverses.

Cette déroute permettra le retour de Sophie Ingle en titulaire au poste de milieu défensif, et son positionnement (il n’est pas rare de la voir au niveau de ses défenseures sur la première relance, alors que les deux latérales sont déjà montées) et son activité permettent de stabiliser une équipe qui essaye de rejouer avec ses qualités et qui y parvient par intermittences, mais au prix de prises de risques parfois inconsidérées.


Cette action pourrait à elle seul résumer la saison de Chelsea : trois lancements de jeu directement sur l’adversaire, avant que Sophie Ingle pose le ballon et initie une séquence de possession ponctuée par le magnifique contrôle orienté de Ji So-yun et le centre ajusté pour la finition parfaite de Bethany England.


Un lancement de jeu risqué de la part de Millie Bright, qui en position de défenseure centrale décide percer la première ligne de pressing de Manchester City au lieu d’écarter de manière classique sur Hannah Blundell, et qui donne un but quasiment tout fait à Tessa Wullaert.

À surveiller

Les points forts

Les surnombres sur les côtés, qui restent le point de départ de beaucoup d’actions dangereuses.

Des joueuses offensives très talentueuses (Kirby, Bachmann, Cuthbert, Ji…) qui peuvent créer le danger si on leur laisse le temps et l’espace pour s’exprimer.

La relation Kirby-Bachmann, difficile à défendre lorsque l’une des deux joueuses est lancée.

Les points faibles

Une équipe sur courant alternatif, qui peut sortir une superbe performance comme faire plusieurs cadeaux à l’adversaire.

Un milieu de terrain qui risque d’être dépassé sous la pression.

Alors, à quoi pourrait ressembler le match contre l’OL ?

Une demi-finale de Ligue des Champions féminine se jouant sur deux rencontres, il est très peu probable de voir Chelsea prendre beaucoup d’initiatives et se découvrir plus que de raison au Parc OL : la tactique d’Emma Hayes sera très probablement de marquer un but et d’en encaisser le moins possible de manière à minimiser l’envergure de la tâche à accomplir lors du match retour en Angleterre. Même si le milieu lyonnais devrait dominer les débats assez largement et fournir assez de situations offensives pour mener rapidement au score, il faudra cependant être vigilant sur la défense des couloirs et adapter les séquences de pressing aux spécificités tactiques de Chelsea (éviter notamment de se retrouver en sous-nombre lorsque Sophie Ingle revient au niveau de sa défense). Cependant, le match est largement à la portée de Lyonnaises appliquées, et il ne serait pas improbable qu’il y ait déjà quelques buts d’écart à la fin de cette première confrontation.

Julien Perrier

(Photo Chelsea FC Women)

Commenter

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>