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Les grandes dates tactiques de la saison de football féminin (2/3)
- Publié le: 7 juin 2019
FÉMININES. Avant le coup d’envoi de la Coupe du monde 2019 ce vendredi, on vous propose de revivre cette saison à travers 13 matchs. Qui ne concernent pas tous l’OL, notamment dans cette deuxième partie où l’on croisera malgré tout Lucy Bronze et Eugénie Le Sommer.
(Re)lire la première partie…
… ou découvrir la troisième
19 Janvier 2019 : France 3 – 1 États-Unis
USA : les amicaux pour tester, la compétition pour briller ?
Les sourires sont français en cette fin de soirée au stade Océane du Havre : les Bleues viennent de battre les USA grâce à une prestation solide, ponctuée par un doublé de Kadidiatou Diani et un but de Marie-Antoinette Katoto et à peine ternie par la réduction du score de Mallory Pugh en toute fin de match. Si les Bleues ont effectivement réalisé une prestation tout à fait convaincante, il convient néanmoins de la pondérer par la formation utilisée ce soir là par Jill Ellis : un 4-3-3 assez inédit avec certaines joueuses alignées à des postes inhabituels (Crystal Dunn, joueuse de couloir, est reconvertie en milieu centrale ; Christen Press, milieu offensif, est reléguée sur un côté…).
Une expérience pourtant loin d’être unique pour l’entraîneuse américaine, qui a utilisé les différents matches amicaux des Etats-Unis pour tester certains positionnements ou ajustements tactiques en vue de la coupe du monde 2019. Cette série d’expérimentations a conduit à un torrent de critiques de la part des suiveurs inquiets des médiocres prestations de leur l’équipe nationale, mais était sans doute un passage obligé pour redéfinir les orientations tactiques après un échec majeur sur la dernière compétition internationale.
Il ne faut pas oublier que l’équipe des États-Unis a été très souvent impériale sur les précédentes éditions de Coupe du Monde et des Jeux Olympiques grâce à un milieu et une attaque mettant énormément d’impact et d’intensité. Cependant, cette dynamique s’est complètement arrêtée lors des Jeux Olympiques 2016, où Jill Ellis avait décidé de faire reculer Carli Lloyd au niveau de Morgan Brian pour compenser la retraite de la créatrice Lauren Holiday, puis d’intégrer Allie Long en meneuse de jeu reculée. Cette réorientation tactique a eu pour double effet négatif d’isoler complètement Alex Morgan de ses milieux de terrain, et de rendre les États-Unis beaucoup plus vulnérables face aux équipes sachant défendre correctement et coordonner un pressing cohérent. Fort logiquement, elles passèrent alors à la trappe aux tirs au but face à la Suède, au terme d’un match complètement morne.
Pour cette nouvelle Coupe du Monde, Jill Ellis doit donc repenser l’animation au milieu de terrain, et elle peut compter sur un vivier extraordinaire pour réaliser cette opération : entre les récupératrices Brian et Zerboni, la relayeuse Samantha Mewis, la créatrice Rose Lavelle, et les meneuses de jeu Christen Press et Carli Lloyd, sans oublier les joueuses au style plus particulier comme Lindsay Horan, tous les ingrédients sont réunis pour remettre l’équipe des Etats-Unis au sommet du foot mondial. Avec des joueuses de percussion sur les ailes telles que Megan Rapinoe, Mallory Pugh, Crystal Dunn et Tobin Heath, difficile de penser que les Etats-Unis n’aligneront pas de nouveau un milieu capable de faire la loi dans l’entrejeu et de mettre la pression sur les défenses adverses, comme ce fut le cas l’année dernière, durant le tournoi nord-américain de qualification pour la coupe du monde 2019.
Les années passent, mais le défi reste sensiblement le même pour les États-Unis : réussir à trouver l’alchimie offensive parfaite afin de ne pas trop exposer la défense, le secteur le plus faible. Jill Ellis sait qu’elle peut compter sur un effectif extrêmement talentueux pour y parvenir, et viser la victoire finale pour cette Coupe du Monde 2019. Difficile de toute façon d’avoir un autre objectif pour une nation qui n’a jamais terminé hors du podium en six éditions de la compétition. Si les Bleues retrouvent les Américaines en quart de finale, comme cela sera le cas si les deux équipes sortent en tête de leurs poules, la tâche sera donc sans doute plus ardue qu’en amical au stade Océane.
05 Mars 2019 : Japon 0 – 3 Angleterre
L’Angleterre de nouveau d’attaque
Une victoire en SheBelieves Cup, synonyme de renouveau. En passant trois buts en trente minutes face au Japon lors de la dernière journée de la compétition, l’Angleterre semble renouer définitivement avec ses principes offensifs de la dernière décennie, après d’importantes métamorphoses au niveau de son style de jeu.
Autour des années 2010, la tactique prédominante de l’Angleterre d’Hope Powell pour gagner ses matches pouvait se résumer en deux étapes : remonter la balle sur les côtés grâce aux joueuses de couloir, puis faire principalement confiance au talent de Kelly Smith pour porter le danger dans la moitié de terrain adverse. La baisse d’influence de cette dernière, notamment à la Coupe du Monde 2011, impacta considérablement cette organisation : incapables de construire proprement des actions offensives, les Anglaises furent réduites à défendre regroupées devant leurs cages et à marquer en contre en jouant quelques longues balles dans le camp adverse. Les problèmes de l’Angleterre s’aggravèrent jusqu’en 2013, où à la suite d’un Euro catastrophique (éliminée en phases de poules avec deux défaites et un nul), le constat était sans appel : cette équipe sans personnalité, sans créatrice et sans résultats ne faisait tout simplement plus peur à personne.
Alors que l’Angleterre s’était désespérément accrochée à ses idées offensives, le nouveau sélectionneur Mark Sampson prit le parti de reconstruire cette équipe sur une tactique diamétralement opposée : si les Anglaises ne sont plus capables de déséquilibrer une équipe bien en place, autant forcer les adversaires à commettre des erreurs dans leur moitié de terrain, puis à les exploiter rapidement pour marquer. Le sélectionneur gallois bascula sur une organisation en 4-2-3-1 axée sur deux concepts essentiels : le pressing localisé en surnombre et les décalages en transitions courtes. Cette supériorité numérique dans une zone restreinte du terrain donnait du coup à ses joueuses plus de chances de récupérer des ballons que sur un quadrillage complet du terrain, et l’opportunité des les convertir rapidement en occasions nettes de but.
La philosophie de Sampson, qui tente de marquer sans trop se découvrir, induit également deux changements extrêmement intéressants dans l’effectif anglais. Tout d’abord, l’échange de postes entre Jill Scott et Katie Chapman a permis à la première de former un tandem de milieux défensives avec Jade Moore mettant énormément d’impact à la récupération tout en pouvant conserver la balle sous pression adverse (ce qui avait été une grosse lacune lors de l’ère Powell) et à la seconde de densifier le milieu de terrain pour augmenter l’efficacité des premières phases de pressing. Ensuite, les tâches des joueuses de couloirs furent mieux réparties grâce à une meilleure occupation du terrain, et une alternance systématique entre débordements et rentrées à l’intérieur du terrain. Philosophie symbolisée parfaitement par la latérale lyonnaise Lucy Bronze, excellente défenseure, pouvant utiliser sa lourde frappe de balle à 20m et son attaque des half-spaces, pour trouver des opportunités offensives.
Grâce à cette philosophie de jeu assez inédite pour l’époque, l’Angleterre récupère la médaille de bronze à la Coupe du monde 2015 et atteint le dernier carré à l’Euro 2017. Mais certaines limites commencent à apparaître, notamment lorsque l’équipe est menée et se retrouve dans l’obligation de se découvrir pour revenir au score. La correction reçue face au Pays-Bas en demi-finale de l’Euro 2017 sonna le crépuscule de cette organisation : il fallait désormais se réinventer pour passer un palier.
Telle est désormais la mission du nouveau sélectionneur Phil Neville : construire une équipe cohérente et offensive à partir des bases défensives exceptionnelles de Sampson et d’une jeune génération anglaise portée sur le jeu offensif (Georgia Stanway, Beth Mead, Keira Walsh…). Cette victoire prestigieuse en SheBelievesCup envoie déjà un premier signal : l’Angleterre sera prête à en découdre lors de cette coupe du monde. Et avec la manière.
20 Mars 2019 : Slavia Prague 1 – 1 Bayern Munich
Deutsche Qualität : le quadrillage parfait du terrain par le Bayern Munich
L’affrontement entre le Slavia de Prague et le Bayern de Munich n’était pas forcément le plus attendu des quarts de finale de Women Champions League 2019, notamment à cause de l’affiche entre l’OL et Wolfsburg, deux cadors européens. Pour autant, le match aller au Sinobo Stadium a offert aux spectateurs deux buts fantastiques : une frappe lointaine de Katerina Svitkova pour les Pragoises et une contre-attaque allemande implacable conclue par Fridolina Rolfö. Une action où le Bayern Munich est passé en sept passes d’une phase défensive près de son poteau de corner à une finition en plat du pied sans opposition à cinq mètres du but tchèque.
Comment configurer son équipe pour réussir un des plus beaux contres de la décennie ? De la même manière que Paul Riley utilise en priorité les courses de ses joueuses pour déséquilibrer le bloc adverse, Thomas Wörle, l’entraîneur de Munich, considère que les décalages sont provoqués par le positionnement de ses joueuses, et par les passes qu’elles peuvent recevoir ou distribuer. Cette vision tactique implique par conséquent un quadrillage du terrain parfait, où chaque joueuse doit se trouver exactement là où son rôle et la séquence de jeu amorcée le nécessitent. Une philosophie parfaitement incarnée par les attitudes de l’attaquante serbe Jovana Damnjanovic, utilisée à la fois pour sa protection de balle dos au but et ses décrochages pour faire le relais sur les percussions de ses ailières, ou dans l’évolution du jeu de Lina Magull, l’ancienne coéquipière de Carolin Simon à Fribourg.
Placée l’année dernière en meneuse de jeu légèrement excentrée pour porter le danger et conclure les actions à partir du côté gauche de Fribourg, Magull a dû cette saison s’adapter à un positionnement beaucoup plus bas dans l’entrejeu munichois. Un rôle beaucoup plus exigeant pour une joueuse habituée à jouer dans les trente derniers mètres adverses, mais qui permet au bloc munichois de profiter plus fréquemment de son excellent jeu de transitions simple et rapides, ainsi de ses projections efficaces vers l’avant. Et malgré un trou d’air sur la fin de saison qui a privé son Bayern d’un titre majeur, Wörle pourra se targuer d’avoir bâti une équipe capable de s’adapter à n’importe quel adversaire et situation de jeu. Et sans doute posé les bases pour que Munich soit une place forte du football européen chez les filles aussi.
4 Avril 2019 : France 3 – 1 Japon
Les Japonaises ont-elles un problème de transmission ?
Une équipe joueuse, mais qui manque d’impact physique : la même conclusion semble revenir sans cesse après avoir regardé les sorties de l’équipe du Japon au cours de ces derniers mois. Le match contre la France ne fait pas exception : des très beaux mouvements, mais une fâcheuse impression d’observer une équipe dépassée et incapable de remonter le terrain sous la pression adverse.
Toujours disposé dans son immuable 4-4-2, le Japon a néanmoins changé de philosophie de jeu au cours de cette décennie. Si l’équipe championne du monde en 2011 de Norio Sasaki est assez souvent restée dans l’imaginaire collectif comme une équipe joueuse et créatrice, elle était en réalité assez verticale et pragmatique, marquant principalement sur transitions rapides et coups de pieds arrêtés. Des phases de jeu adaptées aux qualités principales de ses deux joueuses emblématiques de cette génération : le jeu rapide en une touche de balle et la finition d’Homare Sawa, ainsi que la technique de passe et la science des coups de pieds arrêtés d’Aya Miyama.
La fin de carrière internationale de Sawa conduit le Japon à repenser son animation offensive, en essayant de privilégier un jeu un peu plus posé que lors des années précédentes. Donnant l’impression d’évoluer dans une tactique moins adaptée à leur effectif, les Japonaises réussissent néanmoins une très belle campagne à la Coupe du Monde 2015 (finale perdue face aux Etats-Unis) mais échouent à se qualifier pour les JO 2016 de Rio, ce qui provoquera la démission du sélectionneur.
Sa remplaçante Asako Takakura, auparavant sélectionneuse de l’équipe U20 japonaise victorieuse de la coupe du monde 2016 avec un jeu collectif de toute beauté, décide d’appliquer ces principes victorieux à l’équipe senior. Les transitions directes sont remplacées par des combinaisons courtes au milieu de terrain, réalisées par l’ensemble des milieux de terrain et des attaquantes, qui doivent se placer sur différentes lignes du terrain pour donner des solutions différentes à la porteuse de balle. Dans cette stratégie, le rôle des milieux latérales est complètement transformé : autrefois positionnées sur leur aile et servant uniquement à distribuer des centres, elles doivent désormais alterner entre percussions dans les couloirs et repli dans l’entrejeu pour proposer des options de passe.
Le problème inhérent à cette formation en 4-2-2-1-1 est que le rendement de cette organisation dépend presque exclusivement de la performance des milieux centrales. Si Mizuho Sakaguchi et Rumi Utsugi avaient tenu parfaitement leur rôle durant la Coupe d’Asie 2018, les autres combinaisons proposées par la suite ne furent pas aussi brillantes, contraignant le Japon à jouer très souvent sous pression, sans réussir à déployer son jeu. Yui Hasegawa et Emi Nakajima ont beau être indéboulonnables sur les côtés et assurer leur travail de construction/finition à la perfection, elles ne peuvent cependant rien faire si les deux milieux centrales ne peuvent récupérer les ballons et initier correctement les séquences de passes.
Même si le Japon a un effectif qui n’a rien à envier aux anciennes générations, la réussite de cette Coupe du monde dépendra donc fortement de la capacité de Takakura à trouver la bonne formule au milieu de terrain. Sinon, il faudra lutter pour espérer aller loin dans la compétition, et sortir bien classé d’un groupe extrêmement relevé en compagnie de l’Angleterre et de l’Ecosse (l’Argentine semblant en retrait).
8 Avril 2019 : France 4 – 0 Danemark
Eugénie Le Sommer fera-t-elle toute la Coupe du monde dans le couloir gauche ?
La victoire nette de la France sur le Danemark au stade de La Meinau semble apporter une réponse nette à un certain nombre d’interrogations. Sur le niveau de l’équipe de France, déjà, qui confirme sa place parmi les meilleures nations du football féminin à deux mois du début de la Coupe du monde. Mais également sur le choix du système offensif et de l’animation qui en découle. En effet, si la formation utilisée par les Bleues n’a sur le principe pas tant évolué au cours des dernières années, les choix tactiques de Corinne Diacre marquent cependant un tournant historique dans l’approche du jeu de l’équipe française.
Les suiveurs de longue date s’en souviendront avec regrets et frustration : la stratégie de l’Equipe de France a souvent privilégié la domination extrême au milieu de terrain par rapport au rendement offensif. En gros, la France a longtemps cherché à avoir la possession, en espérant trouver parmi sa multitude d’actions quelques bonnes positions de frappe mais aussi pour réduire mécaniquement le nombre d’occasions adverses. Au fil des années, les Bleues se sont faites éliminer de toutes les compétitions majeures sans jamais ramener une seule breloque, au terme de parcours oscillant entre le manque de réussite (Jeux Olympiques 2012, Coupe du Monde 2015) et la grosse contre-performance (Euros 2013 et 2017), mais avec toujours ce même sentiment d’insuffisance pour passer un palier.
Corinne Diacre semble vouloir tenter une autre approche : au lieu de dominer outrageusement les équipes adverses au risque de se prendre un contre implacable, elle préfère délaisser la possession de balle à tout prix pour augmenter son volume de pressing. Ce style de jeu impose également de repenser le poste de l’attaquante de pointe, qui ne doit plus être présente uniquement pour finir les actions, mais également pour intervenir plus fréquemment dans les avant-dernières passes, notamment par des remises de la tête et du jeu dos au but. Dans une configuration où séquences rapides et jeu un peu plus direct vont s’alterner, l’attaquante de soutien aura la lourde tâche d’exploiter le plus vite possible les seconds ballons et les décalages amenés par ses coéquipières.
Dans ce rôle de seconde attaquante (en soutien de Valérie Gauvin) nécessitant des qualités de vivacité, de vitesse, de vision du jeu et de finition (bref, une joueuse extrêmement complète), Gaétane Thiney a pour le moment été privilégiée par rapport à Eugénie Le Sommer. Un choix à première vue curieux, tant ce poste de seconde attaquante semble taillée pour la joueuse lyonnaise et apparaît moins intuitif pour la Parisienne lorsque les situations requièrent une certaine vitesse de déplacement ou d’exécution (notamment quand il faudra aller affronter des défenses physiques mais lentes).
Alors qu’actuellement la densité française sur les côtés semble plus importante par rapport aux joueuses pouvant avoir un impact tout autour de la surface, la décision de conserver le meilleur élément offensif français dans une zone plus contraignante défensivement ne semble pas optimiser la cohérence tactique globale de l’équipe. Reste maintenant à savoir si Le Sommer restera dans le couloir gauche jusqu’à la fin de la compétition pour les Bleues, qu’on espère être heureuse le 7 juillet au Parc OL.
Julien Perrier
(Photo FFF / Antonio Mesa)