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Les grandes dates tactiques de la saison de football féminin (1/3)
- Publié le: 5 juin 2019
FÉMININES. Avant le coup d’envoi de la Coupe du monde 2019 ce vendredi, on vous propose de revivre cette saison de football féminin à travers 13 matchs. Qui ne concernent pas tous l’OL, même si l’on parlera dans cette première partie de la Ballon d’or 2018, de Shanice van de Sanden ou de Sarah Bouhaddi.
La deuxième partie est ici…
… et la troisième est là !
04 Septembre 2018 : Norvège 2-1 Pays-Bas
Que vaut la Norvège sans Ada Hegerberg ?
Dernière journée des éliminatoires pour la Coupe du monde 2019 et rien n’est joué dans le groupe C, où la Norvège et les Pays-Bas s’affrontent pour décrocher la première place synonyme de qualification directe pour la phase finale de la compétition. Grâce à une entame de match très offensive ponctuée par deux réalisations d’Ingrid Engen et d’Isabel Herlovsen, la Norvège composte son ticket pour la France au terme d’un match globalement maîtrisé (malgré une erreur de Maren Mjelde à la demi-heure de jeu qui offre un but à Vivianne Miedema) et envoie les Néerlandaises, pourtant brillantes vainqueures de l’Euro l’année précédente, au tournoi de barrage européen.
La métamorphose de cette équipe est pour le moins surprenante : après une sortie de route sans gloire lors de l’Euro 2017 (dernière place de poule, trois défaites, aucun but marqué) et sans leur meilleure joueuse offensive Ada Hegerberg (qui s’est mise en retrait de l’équipe nationale à cause d’un conflit avec sa fédération), les Norvégiennes réussissent pourtant un parcours qualificatif quasiment parfait, avec seulement une défaite aux Pays-Bas, une rencontre qui aurait pu nettement tourner en leur faveur avant une défaite au bout des arrêts de jeu.
Sans se réjouir du refus d’une joueuse de calibre mondial à prendre part aux compétitions internationales avec sa sélection, il faut néanmoins reconnaître que l’absence d’Hegerberg a permis au sélectionneur Martin Sjögren de repenser son effectif après l’échec de l’Euro néerlandais, où il avait beaucoup trop privilégié l’attaque au détriment de la cohérence globale de son équipe. Une prise de risque qui aurait toutefois pu s’avérer payante avec un peu plus de réussite, mais son 4-4-2 lors du premier match face aux Pays-Bas avait alors isolé les deux attaquantes (Hegerberg et Graham Hansen) du reste de son équipe, avant que son 4-3-3 plus alléchant offensivement n’ait pour effet pervers de désorganiser complètement son milieu de terrain qui se retrouva toujours en sous-nombre sur les phases défensives (et donc dépassé pour gérer les attaques adverses).
Au moment d’aborder la campagne de qualification de la Coupe du Monde 2019, Sjögren est donc revenu à des formations d’équipe plus pragmatiques (4-2-3-1 et 4-4-1-1), basées sur un milieu de terrain capable de tenir le choc défensivement, de faire circuler le ballon sur toute la largeur du terrain et de se projeter rapidement vers l’avant. Trois joueuses symbolisent cette nouvelle réorganisation : Caroline Graham Hansen, de retour à sa position préférentielle de milieu offensif droit ; la jeune pépite de Lillestrøm Guro Reiten placée en milieu offensif gauche ou centrale, extrêmement dangereuse dans les 20 derniers mètres adverses ; et enfin Lisa-Marie Karlseng Utland en unique attaquante, afin de servir de point d’appui sur les relances longues de son équipe ou de pivot dos au but pour permettre au bloc norvégien de remonter.
Et même si la nouvelle géopolitique du football féminin fait qu’il est sans doute compliqué de revenir aux périodes fastes du siècle dernier (Coupe du monde remportée en 1995, Euro gagné en 1987 et 1993, médaille d’or aux Jeux Olympiques de 2000), la Norvège aura néanmoins une équipe cohérente pour faire un parcours honorable lors de cette Coupe du monde. Même sans le Ballon d’or dans son effectif.
À lire aussi : Ada Hegerberg,
pas venue pour danser
22 Septembre 2018 : Portland Thorns 0 – 3 North Carolina Courage
Pourquoi North Carolina Courage et Paul Riley ont-ils écrasé le championnat NWSL 2018 ?
Le coup de sifflet final retentit au Providence Park de Portland, complètement silencieux depuis quelques minutes. Il n’y a quasiment pas eu match lors cette finale de championnat NWSL 2018 : le North Carolina Courage a dominé les débats du début à la fin de cette confrontation, surpassant complètement les Portland Thorns sur ses terres. Une situation bien loin d’être inédite sur l’ensemble de cette saison, où l’équipe de Caroline du Nord aura tout simplement été trop forte pour tous ses adversaires : seulement une seule défaite concédée en 26 matches, en battant également au passage le record du plus grand nombre de victoires, du plus grand nombre de buts marqués, du petit nombre de buts concédés…
On retrouve derrière cette impressionnante dynamique l’entraîneur anglais Paul Riley (55 ans), peu connu en Europe mais dont la renommée aux Etats-Unis n’a cessé de croître depuis le début de la décennie et ses premiers faits d’armes dans l’ancien championnat américain avec Philadelphia Independence, qui avait notamment emmené jusqu’aux tirs au but le Western New York Flash et ses superstars (Alex Morgan, Christine Sinclair, Marta, Caroline Seger, Ashlyn Harris…) en finale de WPS 2011.
Le championnat et les équipes ont changé, mais Paul Riley a continué à promouvoir son style de jeu unique basé sur l’utilisation des espaces libres : dans sa tactique, le déséquilibre offensif ne sera pas créé en priorité par l’affrontement et le duel, mais apparaîtra mécaniquement à la suite des différentes courses et des passes en profondeur initiées par ses éléments offensifs. Cette tactique, très exigeante, nécessite de pouvoir compter sur des joueuses au profil très complet, qui doivent pouvoir combiner de bonnes performances athlétiques avec une vision du jeu et une intelligence situationnelle très poussée pour pouvoir réaliser des appels et des passes précises au moment opportun.
Très efficace à la récupération du ballon, lorsque l’adversaire est moins bien organisé et laisse des espaces plus importants dans son dos, ce style de jeu présente toutefois quelques limites face à des adversaires solides défensivement et jouant repliés devant leur but. Paul Riley laisse dans cette situation l’initiative totale à ses joueuses offensives pour parvenir à marquer, provoquant ainsi un rendement offensif assez variable en fonction du potentiel de ses joueuses à créer le danger à partir de rien et de leur état de forme du moment.
Une limite qui a d’ailleurs précipité son départ de Portland après une saison de NWSL 2015 catastrophique : sans créatrice après le départ de Vero Boquete à la fin de la saison précédente, les Thorns avait alors tendance à revenir à un jeu plutôt stéréotypé dans les pieds qui ne mettait que trop rarement en danger les équipes adverses. Les choses ont en revanche été complètement différentes lors de son arrivée au club de North Carolina Courage (Western New York Flash à l’époque), puisque Riley trouve alors une équipe déjà taillée pour ses principes de jeu (avec notamment Samantha Mewis, Lynne Williams, Jess McDonald ou McCall Zerboni), qu’il a su rendre injouable avec quelques recrutements intelligents au fil des saisons suivantes (Debinha, Denise O’Sullivan, Merritt Matthias).
Alors que l’on joue les premières journées de la nouvelle édition du championnat NWSL, le North Carolina Courage sera donc une nouvelle fois l’équipe à battre et sera attendu de pied ferme par ses adversaires qui tenteront de faire déjouer ce mastodonte au style de jeu si particulier. Un défi de taille pour Paul Riley, qui devra encore affiner ses principes pour réussir à renouveler une saison de calibre. Et se faire peut-être enfin connaître sur son continent d’origine, où il n’a jamais entraîné.
13 Novembre 2018 : Suisse 1-1 Pays-Bas
Les Pays-Bas ont-ils régressé depuis leur titre à l’Euro 2017 ?
L’objectif est atteint, même si ce n’était pas par le chemin prévu au départ. Seconds de leur groupe de qualification à la Coupe du monde 2019, les Pays-Bas viennent de remporter devant la Suisse (3-0 à l’aller, 1-1 au retour) le tournoi de barrage européen pour terminer de la meilleure des manières un parcours à l’image de leur dernière rencontre : plutôt chaotique.
Ces péripéties, certes inattendues pour une équipe victorieuse du dernier Euro, ne semblent pas pour autant refléter une réelle perte de vitesse de la dynamique observée en 2017. De manière surprenante, on pourrait dire que les Pays-Bas ont semblé gagner en cohérence dans certains domaines, mais que les quelques problèmes d’organisation de cette équipe ont été mis en lumière de manière beaucoup plus flagrante que lors de la dernière compétition.
L’équipe néerlandaise, dans sa formation classique en 4-3-3, se base avant tout sur le potentiel offensif de son trio d’attaque van de Sanden – Martens – Miedema pour peser sur les défenses adverses, chacune dans son style bien caractéristique : Shanice van de Sanden mise sur la vitesse et la percussion dans son couloir droit, Lieke Martens aime partir de son couloir gauche pour rentrer à l’intérieur du terrain sur son pied droit, et le bagage technique complet de Vivianne Miedema lui permet de tirer son épingle du jeu dans un grand nombre de situations.
Cette stratégie, souvent redoutable, devient en revanche un incroyable révélateur des points faibles de cette équipe dès lors que les joueuses rencontrent une certaine résistance de la part de la défense adverse ou subissent un pressing très haut sur le terrain. On constate alors que les Pays-Bas peuvent avoir d’énormes difficultés à relancer proprement de leur base arrière, et que les joueuses évoluant devant la défense sont plus à l’aise pour distribuer le jeu que pour s’adonner aux tâches défensives.
Dans ce genre de situation où l’organisation de l’équipe semble vaciller, les joueuses de transition deviennent cruciales pour stabiliser le dispositif tactique, grâce à leur activité leur permettant de s’impliquer à la fois dans les phases défensives et offensives. Sur ce point, il est du coup assez intéressant de noter l’évolution du jeu de Jackie Groenen durant ces deux dernières années : pièce maîtresse d’une équipe de Francfort bien en-dessous des meilleures équipes allemandes, celle qui rejoindra Manchester United cet été a su prendre ses responsabilités pour devenir une joueuse beaucoup plus complète et impliquée dans la création et la finition des actions de son équipe que lors de l’Euro 2017.
Avec une Jackie Groenen transformée et un trio offensif toujours aussi dangereux, les Pays-Bas auront donc toutes les cartes en main pour tenir honorablement leur rang de championnes d’Europe à la Coupe du monde. À condition de mieux gérer leurs temps faibles et de ne pas trop être mises sous pression.
18 Novembre 2018 : PSG 1 – 1 OL
Sarah Bouhaddi, préjugée coupable ?
On joue la 15e minute dans ce premier choc de la saison entre le Paris Saint Germain et l’OL à la 10e journée de D1. Griedge Mbock vient d’intervenir devant Wang Shuang et repasse immédiatement la balle en retrait à Sarah Bouhaddi sous la pression de la milieu de terrain parisienne. La gardienne hésite quelques secondes sur la destination de sa relance, puis à l’approche de l’internationale chinoise, décide de transmettre de nouveau la balle à Mbock qui s’était déplacée sur le couloir droit. Malheureusement, sa passe trop tardive et trop molle est interceptée par l’internationale chinoise qui élimine la gardienne lyonnaise et pousse le ballon dans les filets malgré le retour de Wendie Renard.
La répartition des torts semble à première vue plutôt simple : Sarah Bouhaddi a commis une grossière faute de relance, qui a coûté un but à l’Olympique Lyonnais. Cependant, en analysant le déroulement global de l’action et le positionnement général de l’équipe lyonnaise sur les dernières passes, est-elle vraiment l’unique responsable de cette erreur ?
Si des solutions avaient été proposées au milieu de terrain, il est fort probable que l’action précédente aurait tout simplement été une étape de plus dans une séquence de construction classique de la part des Lyonnaises. Pour autant, il paraît toujours plus évident d’accabler le gardien de but que d’engager la responsabilité collective dans ce genre de situation.
De manière générale, le gardien occupe un poste un peu ingrat, où chaque geste mal réalisé sera en général sanctionné d’un but. Sauf en de très rares exceptions, aucun joueur de champ ne sera en position de corriger une erreur d’anticipation, une faute de main ou une passe complètement manquée de son portier. Entendons-nous bien : le propos n’est pas ici de passer sous silence les erreurs des derniers remparts, mais de se demander si elles ne peuvent pas aussi être tout simplement la conséquence visible d’une faillite de l’équipe entière plutôt qu’une défaillance individuelle.
Et ce qui est vrai pour les gardiens l’est encore plus pour les gardiennes, systématiquement jugées par le prisme de leurs boulettes, telle une idée reçue qu’il faudrait toujours alimenter avec de nouveaux exemples. Sans d’ailleurs prendre en compte à l’inverse la possibilité que les gardiennes puissent également sortir des matches de folie et des arrêts exceptionnels, à l’image par exemple d’Alyssa Naeher, des Chicago Red Stars contre… le North Carolina Courage.
Si l’OL a pu régner sans partage sur la scène nationale et européenne, il le doit également aux interventions salvatrices de Sarah Bouhaddi au fil des matches. Ne la juger qu’au travers de ses « fautes », c’est tout d’abord oublier la possibilité d’une responsabilité collective sur chaque erreur, mais également passer sous silence son travail de l’ombre qui permet de rassurer une équipe parfois déstabilisée.
Et aussi ses parades déterminantes. Qui se souvient par exemple que Sarah Bouhaddi a effectué un arrêt décisif face à Ewa Pajor dans chacune des deux rencontres contre Wolfsburg, et à chaque fois dans une période de temps faible pour ses coéquipières ? La gardienne de l’OL aura difficilement de meilleures occasions de changer les préjugés qu’une Coupe du Monde à la maison, où elle pourra prouver qu’on peut compter sur elle lors des grands rendez-vous. Et même pour les relances au pied.
Julien Perrier
(Photo Damien LG)