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OL-Monaco : retour sur la guerre des losanges
- Publié le: 19 mars 2014
TABLEAU NOIR. José Anigo peut en parler : ne s’improvise pas maître du losange qui veut. Plusieurs entraîneurs de Ligue 1 se sont essayés au système du moment, de René Girard en début de saison à Anigo donc. Mais peu d’entre eux peuvent aujourd’hui se targuer d’avoir converti l’expérience en succès tactique sur le long terme. Rémi Garde et Claudio Ranieri font assurément partie de cette dernière catégorie. Au-delà des polémiques arbitrales, intéressons-nous à ce qu’a donné sur le terrain ce choc des systèmes.
Les forces en présence
Qu’il semble bien loin ce mois de janvier où l’on avait à peine à s’interroger sur le onze concocté par Rémi Garde. Les matches passaient, le système et ses joueurs restaient.
C’est un fait, le losange lyonnais a d’abord existé par et pour les joueurs qui l’ont composé: Gonalons en sentinelle, Fofana en récupérateur-relanceur, Grenier en faux relayeur offensif et Gourcuff drapé d’une cape d’or brodée d’un numéro 10 à l’ancienne. Ça, c’était avant. Mais même dépourvu des individualités ayant le plus contribué au succès du système, Rémi Garde a opté pour le dogmatisme : le losange coûte que coûte, tout comme le 4-3-3 fut longtemps gravé dans des tablettes de marbre du côté de Tola Vologe.
Losange donc, et ce même en l’absence d’un vrai numéro 10 de rechange. Face à Plzen, la machine à remonter le temps a envoyé avec bonheur Steed Malbranque nous rappeler au bon souvenir de ses années anglaises, dans la lignée d’une prestation de 10 intermittent mais décisif. Mais face à son absence et à la distortion spatio-temporelle dans laquelle se trouve plongé Bafé Gomis depuis quelques semaines, Rémi Garde a poussé l’innovation jusqu’au bout en sortant de son chapeau un Mvuemba au poste de meneur. À charge pour Ferri et Fofana d’animer les côtés d’un losange new-look.
Si Garde était privé de sa pointe hausse, Ranieri pouvait également avoir des motifs d’inquiétudes en l’absence de sa pointe basse. Sans Toulalan, l’ASM allait potentiellement manquer d’un profil de récupérateur-relanceur-nettoyeur-blouson Starter. Si le choix d’aligner à sa place Moutinho peut interpeller, il est au contraire rempli de sens : en l’absence de Gourcuff et Grenier, Ranieri a fait le pari du contrôle du ballon – et la perspective d’étouffer Mvuemba, le 10 lyonnais, ne semble pas pour lui une priorité. C’est sur les côtés de son losange qu’il aligne ses milieux aux profils plus défensifs : Obbadi, mais surtout Kondogbia.
Le duel des pointes basses – Avantage OL
Au vu de la première demi-heure des Monégasques, caractérisée par des récupérations hautes, une meilleure utilisation du ballon et un milieu lyonnais étouffé, on aurait tendance à lui donner raison. Mais d’une part, les buts monégasques agissent en trompe-l’œil – et d’autre part, son losange s’est peu à peu fissuré au fil du match, et ce dès la base. Moutinho n’a jamais réussi à dominer son sujet défensivement, malgré deux interceptions : il n’a gagné aucun duel aérien et n’a réussi qu’un seul de ses cinq tacles. Pire, son taux de passes réussies, à 68% (sur 31 passes tentées), est bien trop faible pour un joueur qui est supposé être la clé de la relance dans un tel système. Cela est d’autant plus surprenant qu’il affiche sur la saison en Ligue 1 une moyenne à 86%. La possession de balle en faveur de l’OL sur l’ensemble du match, à 55% contre 45, doit aussi à la faillite du Portugais, incapable de jouer proprement vers l’avant, comme en témoigne le schéma ci-dessous.
En face de lui, Maxime Gonalons a livré une copie un peu plus propre. Avec 82% de passes réussies pour 49 ballons joués (87% de moyenne cette saison en Ligue 1), il a été plus efficace que Moutinho dans la construction. Défensivement, avec deux interceptions et deux duels gagnés, il a également pesé. Cependant, il s’est aussi rendu coupable de pertes de balle dangereuses, dont cette relance à une touche de balle du gauche, plein axe, qui a directement abouti au second but monégasque. Ce type d’erreur de la part du capitaine lyonnais revient un peu trop fréquemment ces dernières semaines – d’ailleurs, ses statistiques sur les quatre derniers matches de Ligue 1 traduisent probablement un coup de mou, avec 82% de passes réussies en moyenne, contre 90% en décembre-janvier, quand le losange new-look imposait sa patte. C’est un fait, il fait le Yo-Yo, Max.
Les côtés du losange – Match nul
Avec Ferri et Fofana d’un côté, Obbadi et Kondogbia de l’autre, les choses apparaissaient comme plutôt équilibrées de prime abord. Au sein d’une première demi-heure résolument monégasque, Kondogbia comme Obbadi ont évolué très haut, coupant les angles de passes et pressant sans relâche les Lyonnais, y compris dans leur propre moitié de terrain. L’international marocain a été le meilleur joueur défensif du milieu monégasque, avec deux interceptions et trois tacles réussis sur quatre, au contraire d’un Kondogbia précis (92% de passes réussies) mais surtout moins influent : il a touché huit ballons de moins qu’Obbadi, pour 20 minutes jouées en plus ; et, surtout, son impact défensif a été trop limité. L’ancien Sévillan n’a réussi qu’un seul de ses… huit tacles.
Côté lyonnais, Ferri comme Fofana ont travaillé sans relâche. Au fil de matches, le rôle de Jordan Ferri en plaque tournante prend de plus en plus d’ampleur. Alors qu’il était, plus tôt dans la saison, caractérisé par un déchet certain, sa montée en puissance dans la transmission s’est vue face à Monaco, avec 49 ballons touchés et 89% de passes réussies. Son match défensif est bien plus nuancé au niveau statistique (un tacle réussi, aucune interception) – il a notamment eu du mal à aider Miguel Lopes à contenir Kurzawa. D’ailleurs, le rendement offensif des Monégasques s’en est ressenti lorsque le latéral a dû sortir sur blessure dès la 49e minute. Fofana affiche de son côté des statistiques très proches de celles de Ferri.
Les meneurs – La nécessaire prise de recul de Mvuemba
C’est aussi et surtout en pointe haute du losange que s’est fait la différence. Face à James Rodriguez, possiblement le meilleur joueur offensif monégasque, Rémi Garde avait fait le pari (contraint) d’aligner Mvuemba, auteur d’une belle prestation face à Plzen – match pendant lequel il avait d’ailleurs fini au poste de numéro 10. Un pari risqué, mais comme évoqué plus haut, aligner Bafé Gomis n’était pas une gageure. Surtout, cela aurait contraint de placer Lacazette au milieu, et le coach a préféré conserver son arme offensive numéro 1 au plus proche du but de Subasic.
Et ce qui devait arriver arriva : James a réalisé un match complet et solide. Disponible (35 ballons touchés), précis (89% de passes réussies), il a choisi de se balader entre les lignes lyonnaises et de fréquemment dézoner sur tout le front de l’attaque (schéma ci-dessous) plutôt que de percuter, avec deux dribbles (réussis) dans le match.
De l’autre côté, la première mi-temps de Mvuemba fut compliquée. Encore tout ému d’être titulaire dans deux matches à enjeu de suite, il toucha autant de ballons que James sur les 45 premières minutes, et en donna autant vers l’avant. Mais là où James a réussi l’exploit de réussir chacune de ses passes, Mvuemba de son côté a enregistré un déchet certain, avec un tiers de ballons joués vers l’avant perdus.
Mais rarement dans un match un joueur lyonnais aura montré deux facettes si différentes cette saison. À l’entrée de Yoann Gourcuff (52e minute), Garde a replacé Mvuemba sur un côté du losange. Et le miracle s’accomplit : Arnold contribua fortement à la révolte et à la domination de la dernière demi-heure en réussissant chacune des 21 passes faites après son replacement.
C’est précisément avec le retour d’un vrai 10 que le jeu lyonnais a passé la vitesse supérieure. De retour de blessure, Yoann Gourcuff n’a pas encore retrouvé des sensations optimales, en témoignent ses deux coups francs dans le mur de Subasic. Mais il a contribué à amener des occasions, notamment sur coups de pied arrêtés, et aurait pu inscrire un but de volée superbe (67e). En fin de match, l’entrée de Gomis a transformé le losange en un rectangle, sorte de 4-2-2-2 hybride où Lacazette et Gourcuff évoluaient derrière Gomis et Briand, donnant aussi l’impression de ne pas vraiment savoir où se placer.
Et les autres, alors ? – Avantage OL
Le terme de losange ne rend pas assez hommage aux sept autres joueurs qui travaillent pour faire fonctionner le système. Au niveau des défenseurs centraux, la paire lyonnaise a largement contribué à la bonne tenue du ballon par les locaux sur la dernière heure. Avec 91% de passes réussies, quatre tacles sur cinq, quatre duels aériens remportés sur cinq (dont l’un, décisif, face à Subasic), deux interceptions, Général Bako a rendu une copie trois étoiles. Moins présent dans les duels, Bisevac a été un peu plus terne. Côté monégasque, Carvalho a été dans les bons et les mauvais coups, aux côtés d’un Isimat-Mirin solide dans les airs (100% de duels gagnés) mais perfectible à la relance (76% de passes contre 89% pour son compère de l’axe).
Avec un onze dépourvu d’ailiers, les losanges monégasques et lyonnais dépendent largement de leurs latéraux pour créer le danger sur les côtés. Jusqu’à sa blessure, Kurzawa a été le facteur X pour l’OL, posant de gros problèmes au côté droit lyonnais. Sa faculté à jouer long et à basculer le jeu de l’autre côté est d’ailleurs surprenante, comme en témoignent ses passes ci-dessous. Raggi, au profil différent, s’est d’abord attaché à fermer son côté et a joué relativement bas. Fabinho, à droite, fut également plus discret. Au final, les latéraux monégasques auront en tout et pour tout centré à trois reprises, contre huit pour les lyonnais.
Si Miguel Lopes a réussi sa première passe décisive de la saison en Ligue 1, il a aussi été l’un des joueurs lyonnais les plus sollicités, avec 49 ballons touchés – autant que Gonalons et six de plus que Bédimo. Le Camerounais s’est appliqué à percuter dans les 35 derniers mètres monégasques : il est le joueur à avoir tenté le plus de un-contre-un, sept en tout, dont quatre ont été réussis.
Enfin, devant, on soulignera la performance paradoxale mais décisive d’un Berbatov, buteur, passeur, créateur de différences, mais qui au final aurait dû voir son bilan significativement allégé par le corps arbitral. Germain a été plus discret – au-delà de son but, il a surtout connu un déchet sensible, avec 40%% de ballons perdus. Du côté lyonnais, Jimmy Briand fut sans conteste l’homme du match. Deux buts, 28 ballons touchés, une activité de tous les instants (sept frappes au but)… Un bilan qui éclipse celui d’un Lacazette qui a eu du mal à faire des différences, et même à exister lorsque l’OL a commencé à dominer – il n’a effectué que deux passes sur la dernière demi-heure !
Des regrets fondés
Il est difficile de tirer un bilan objectif d’un match entaché par des erreurs arbitrales. Aux points, l’OL aurait cependant dû l’emporter – avec un milieu amputé mais besogneux, l’équipe de Rémi Garde est montée en régime au fil du match, éclipsant des Monégasques trop dépendants de James et trahis par un Moutinho trop imprécis. Le travail des latéraux lyonnais fut remarquable également, obligeant leurs équivalents monégasques, Kurzawa excepté, à d’abord bien défendre. C’était là l’une des clés du match et l’OL s’est appliqué à remporter ce duel-là. Mais cette rencontre a fini par basculer sur des détails que les joueurs de Rémi Garde ne maîtrisaient pas. Sur le reste, cet OL parfois limité mais toujours courageux et généreux n’a pas grand-chose à se reprocher.
Étienne M.