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Gava, le culte du don
- Publié le: 3 mai 2013
PORTRAIT. Qu’il ait été formé à Nancy n’était qu’un prétexte pour parler de Franck Gava. Car le milieu gauche de l’OL des 90’s a marqué Gerland dans des proportions que les plus jeunes n’imaginent pas. Et qu’il se soit retiré tôt avec un palmarès modeste en dit finalement beaucoup sur un joueur qui a toujours préféré donner plutôt que de recevoir.
Quand vous tapez « Franck Gava » dans Google, la première suggestion que vous propose le moteur de recherche est « Franck Gava amputé ». On vous rassure tout de suite : l’ancien milieu offensif a toujours ses deux pieds. On l’a même vu taper dans la balle à la Plaine des jeux de Gerland avec l’équipe des anciens de l’OL, dont le côté gauche, qu’il anime avec Pierre Laigle et Pierre Chavrondier, est autrement plus fourni que celui dont dispose Rémi Garde.
N’empêche, d’après ceux qui l’ont vu jouer dans ses belles années, sans ces maudites blessures et plus particulièrement cette arthrose chronique aux pieds qui aura raison de sa carrière à tout juste 30 ans, on ne devrait même pas avoir à taper le nom de Franck Gava dans Google : ce type était un crack.
« C’est un des plus grands joueurs qu’on a vus à Gerland »
La phrase est de Vincent Duluc, près de trois décennies à couvrir l’OL pour le Progrès puis l’Équipe. Frédéric Fouret, qui a évolué trois ans à ses côtés, ne dit pas le contraire : Gava était un « génie ». Même Rémi Garde, d’habitude plus pondéré, a conservé « un très très bon souvenir de Franck », bien qu’ils n’aient joué qu’une saison ensemble (1992-93). Pourquoi ? Parce c’était « un mec sympa » mais surtout qu’il savait tout faire : « Il avait un assez gros volume sur le côté, les deux pieds, beaucoup de percussion, il rentrait dans la surface, c’était un passeur, c’était un buteur. »
Maurice : « Il m’a gavé de ballons »
Si le Gava des années lyonnaises (1992-1997) vaut une dizaine de buts par saison, quand son corps le laisse tranquille (il ne prend part qu’à treize rencontres en 1995-96), il demeure avant tout un passeur. Dont aura allègrement profité Florian Maurice : « Il m’a gavé de ballons ! Combien il m’a fait de passes dé’ ? Je ne sais plus. Mais pas mal… » Il faut dire que les deux joueurs prolongeront leur fructueux quinquennat lyonnais d’une saison à Paris. Mais pour le buteur prodige, ce sens de la passe n’était pas qu’une question de technique : « Franck était un joueur un peu atypique, comme on n’en voit plus beaucoup : très intelligent avec un sens du collectif hors pair. C’était d’abord les autres avant lui. »
Garde : « On ne savait pas s’il était gaucher ou droitier… »
Gava est atypique aussi dans le sens où son jeu est difficile à définir : « J’ai joué après avec Ljungberg, à Arsenal, qui avait un peu les mêmes caractéristiques que lui, raconte Rémi Garde. On ne savait pas s’ils étaient gauchers, droitiers, on ne savait pas quand ils étaient fatigués. Ils étaient tout le temps fatigués à l’entraînement, mais jamais en match. » Vincent Duluc évoque un joueur « exceptionnel, des trente mètres aux trente mètres, dans la capacité à éliminer et à répéter les efforts ». Pourtant, Franck Gava n’est ni un relayeur, ni un ailier de débordement. « Malouda avait un meilleur pied, plus d’impact, c’était un joueur plus moderne, poursuit le journaliste de l’Équipe. Mais balle au pied, Gava faisait plus de différences. Pourtant, il dribblait moins et n’était pas un grand centreur. C’était un meneur de couloir. »
Duluc : « Il aurait pu jouer dans la grande équipe de l’OL »
Un type de joueur que l’on trouve dans les années 90, de Christian Perez à Ali Benarbia en passant par Stéphane Ziani, Olivier Baudry, Frédéric Arpinon ou même le Johan Micoud de la première époque bordelaise. Des références qui ne font pas pour autant de Gava un joueur anachronique : « Il aurait pu jouer dans la grande équipe de l’OL, assure Duluc. Comme N’Gotty et Maurice. » Lequel Maurice va même plus loin : « Il avait le talent pour évoluer dans n’importe quelle équipe, c’est clair et net. » Grâce à ses capacités techniques mais aussi « parce qu’il avait un gros mental », insiste Garde.
Et à la fin, c’est Diomède qui gagne
« Malheureusement pour lui, il s’est blessé quand il arrive à maturité », déplore Vincent Duluc. Malheureusement aussi, Gava va faire le mauvais choix au mauvais moment. Alors qu’il est régulièrement convoqué, depuis sa première sélection, en octobre 1996 contre la Turquie, par Aimé Jacquet, le néo-Parisien ne résistera pas à la traditionnelle crise de novembre du PSG, qu’il a rejoint l’été précédent. Il porte pour la troisième et dernière fois le maillot bleu contre l’Écosse le 12 novembre 1997. C’est finalement Bernard Diomède qui lui grillera la politesse, comme Stéphane Guivarc’h prendra la place de Florian Maurice, pour participer à la Coupe du monde. Paris termine 8e du championnat. Seule consolation pour les deux compères, ils remportent cette saison-là leurs seuls trophées : une Coupe de la ligue et une Coupe de France. Charles Biétry reprend le club de la capitale et liquide l’héritage de l’équipe Denisot. Maurice part à Marseille, Gava à Monaco. Il y réalise une saison correcte avant de rejoindre Rennes, où Paul Le Guen, croisé à Paris, le souhaite ardemment. Là-bas, ses pieds l’abandonnent définitivement, poussant même le club breton à le licencier. S’ensuivra une bataille qui se terminera aux Prud’hommes, à l’avantage du joueur.
Franck Gava est donc reparti sans avoir pris toute la lumière que son talent méritait. Mais Gerland n’a jamais oublié toutes les émotions qu’il lui a données.