Avant OL – ASSE : « Juninho était une plaie pour les supporters adverses »

Juninho

SCHADENFREUDE. Avant le Derby au Parc OL, on a eu l’idée de se faire du bien en faisant du mal à ASSE Memories. Cet archiviste du web qui compile vidéos et photos a donc accepté de nous parler de ses pires souvenirs contre l’Olympique Lyonnais. De bons souvenirs pour nous, forcément.

Il arrive en gyroroue au bar où on s’est donné rendez-vous. Luc habite à Saint-Étienne, mais utilise chaque jour ce moyen de transport ridicule pour se rendre de la gare de Part-Dieu à son boulot et inversement. Derrière ASSE Memories se cache en effet Luc, qui travaille à Lyon depuis 12 ans. « On est deux derrière ASSE Memories en fait. J’ai un acolyte qui s’appelle Yvan et habite à Paris, mais il n’est pas du tout actif sur les réseaux sociaux. C’est moi qui me charge de notre page Facebook et de notre compte Twitter. Il s’occupe plutôt de rechercher les cassettes vidéo. Y a un vrai marché souterrain où s’échangent les vieux Jour de Foot et Téléfoot. Dans les années 90, l’ASSE filmait ses matchs et vendait ensuite les cassettes via Le Progrès ou à la boutique, donc on peut même parfois tomber sur la rencontre entière et faire le résumé nous-mêmes. »

Luc passe donc en général ses pauses de midi à regarder des vieilles vidéos ou photos, et a accepté de faire une exception pour dérouler le fil de ses pires souvenirs de Derby. Pas vraiment difficile. « J’ai commencé à suivre le foot en supportant l’ASSE dans les années 90 et au début des années 2000, donc je suis obligé d’avoir de l’autodérision et l’habitude des défaites. » Et après nous avoir montré le maillot vintage de l’ASSE qu’il porte discrètement sous son pull, Luc pronostique même une victoire de l’OL ce dimanche. « Parce que vous en avez plus besoin que nous en ce moment. Notre fin de saison se joue plutôt sur les matchs contre les équipes comme Angers la semaine dernière. En plus, j’ai remarqué que le Derby inversait souvent les dynamiques du moment. »

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« J’avais 7 ans et je voyais les Verts perdre pour la première fois »

Un mauvais souvenir de Derby en particulier ?

Je suis né dans les années 80, donc j’en ai malheureusement beaucoup ! Entre les coups de poignards de dernière seconde ou les branlées mémorables, j’ai l’embarras du choix. Mais certains se détachent du lot.

Je pourrais citer le superbe Derby de 2004. Le premier après la remontée en Ligue 1, où les Verts croyaient avoir fait l’exploit en menant 2-1 jusqu’à 5 minutes de la pause pour au final perdre 3-2. Mais la qualité de la rencontre atténue un peu la déception. Quant au dernier, le 0-5 en 2017, il est trop frais et trop plombé par des circonstances atténuantes.

Alors je pense que celui qui m’a foutu le plus le cafard restera le Derby du 30 avril 2006 (4-0 à Gerland) parce qu’il symbolisait tout ce qui peut énerver un supporter: un match à sens unique plié par un contre son camp rapide, un penalty de Juninho, des joueurs qui sortent la boîte à tacle parce qu’ils n’ont pas d’autre moyens de résister, un but de Pedretti et surtout un manque de respect des joueurs lyonnais, peinturlurés façon kermesse de CM1. Même un observateur lambda a dû trouver ça gênant…

Est-ce qu’il y a un but lors d’un Derby qui te fait encore mal ?

Là aussi, je pourrais en citer un certain nombre: le coup-franc de Benzema en 2008 (1-1), le penalty en deux temps de Juninho en 2004 (3-2), la tête de Delmotte en 2000 (2-1)…

Beaucoup de Lyonnais citeraient le but de Briand en 2013 (1-2) comme une évidence mais en réalité, il ne fut douloureux que sur l’instant car rapporté au contexte (match de début de saison, saison finalement terminée devant l’OL, victoires probantes par la suite…), il est aujourd’hui plutôt vécu comme une péripétie qu’un traumatisme.

S’il y a un but qui m’a vraiment fait mal au cœur, c’est celui inscrit par Kastendeuch contre son camp en 1990 (0-1). Parce que c’était injuste, parce que Bouafia avait fait n’importe quoi en partant en dribbles tout seul et en centrant en retrait alors qu’il n’y avait aucun Lyonnais dans la surface, parce que Rousset avait sorti le match de sa vie dans les buts de l’OL… et surtout parce que j’avais 7 ans et que je voyais les Verts perdre pour la première fois. Ce jour-là, j’ai douloureusement appris que le football n’était pas un sport où les plus forts l’emportaient toujours.

« Sonny Anderson doit être le seul Lyonnais que j’ai admiré dans l’histoire »

Est-ce qu’il y a un joueur de l’OL que tu redoutais particulièrement lors des Derbies ?

Là c’est facile: Juninho ! Ce type de joueur, c’est un amour pour ses supporters, un régal pour les observateurs neutres, une plaie pour les supporters adverses. Il avait beau être un technicien hors-pair, nous on ne voyait qu’un simulateur avide de tomber au moindre contact pour obtenir un coup franc salvateur. Qu’il marquait une fois sur deux !

Et puis, il savait prendre l’ASSE au sérieux. Combien de fois a-t-il sauvé les fesses de l’OL lors d’un Derby mal embarqué ? Même quand il ratait son coup (Janot a arrêté deux de ses penalties et plusieurs de ses coup-francs), il trouvait le moyen de marquer quand même dans la foulée ! Bref, je l’ai maudit. On l’a tous maudit ! Et le jour où il a quitté l’OL, on a repris deux fois de la râpée.

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Un joueur lyonnais en particulier que tu ne pouvais t’empêcher d’admirer lors des Derbies ?

Sonny Anderson. Je crois d’ailleurs que ça doit être le seul Lyonnais que j’ai admiré dans l’histoire. Et pourtant, il ne nous a pas ratés lors des quelques Derbies qu’il a joués contre nous…

Il dégageait une de ces classes sur le terrain ! Et toujours souriant, même quand Alonzo l’avait mis en échec à plusieurs reprises à Gerland en 2000.

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Et si tu devais à l’inverse citer des joueurs particulièrement mauvais lors de Derbies ?

Côté Lyonnais ou Stéphanois ? Non, parce que côté lyonnais Frédéric Piquionne reste imbattable je pense, avec sa prestation burlesque dans le Derby 2008 (1-1). Sur son tir raté (une action qui finit au passage par l’ouverture du score de Mirallas de l’autre côté), je crois que c’est la seule fois avec la passe de Nakata que j’ai entendu tout un stade éclater de rire.

Côté stéphanois, ce n’est pas facile car aucun joueur ne se démarque dans ce sens-là: lorsque l’ASSE prenait l’eau, il s’agissait souvent d’une faillite collective. J’aurais pu citer Bayal Sall parce que son cataclysmique Derby 2011 (1-4) l’avait fait entrer dans le loft pendant plus d’un an (un contre son camp et deux autres buts pour sa pomme), mais il en revenu tellement fort que cette faute lui est largement pardonnée.

Donc si je devais en blâmer un, ce serait le pauvre Cédric Varrault. Qu’est-ce qui lui est passé par la tête à la 90e minute de ce Derby que l’ASSE menait 1-0 en 2008 ? Il reste deux minutes à jour, la balle t’arrive dessus, tu fais contrôle poitrine et tu relances plus ou moins proprement, non ? Ben non, lui il tente un contrôle orienté tout foireux, perd la balle directe et envoie un tacle deux pieds décollés à 20 mètres des buts…

Résultat: coup franc direct de Benzema et égalisation de l’OL. Pourtant, on la touchait des 10 doigts (c’est une expression, ce n’est pas sale) cette putain de victoire !

« On se serait cru dans Destination Finale… »

Une polémique arbitrale qui t’a bien fait rager lors d’un Derby ?

Ah ben forcément, qui dit OL dit arbitre acheté, c’est la base. J’hésite quand même parce qu’à peu près tous les Derbies qu’on a perdus ces 20 dernières années, c’était en grande partie la faute de l’arbitre.

Je dirais quand même que le combo penalty+carton rouge pour une faute imaginaire de Lamine Diatta en dehors de la surface sur un Florent Malouda hors-jeu au départ de l’action, il a fait super mal aux fesses. Surtout que même si Jérémie Janot arrête le penalty, Juninho marquera quand même en fin de match grâce à un ballon venu du côté affaibli de la défense stéphanoise. On se serait cru dans Destination Finale…

On va arrêter de te torturer : tu as quand même un bon souvenir de Derby pour finir ?

J’en ai plein, heureusement ! Des victoires éclatantes aux Derbies arrachés on ne sait même pas comment, on a quand même eu des occasions de nous réjouir ces dernières années.

Mais je crois que ce qui m’a le plus amusé, ça reste mes 90 minutes à Gerland en mode « Les Infiltrés » en 2015 (2-2). Un collègue m’avait trouvé une place malgré l’interdiction de déplacement et je devais me tenir à carreau au milieu du Virage Sud sous peine de griller ma couverture. Pas facile de rester stoïque quand Hamouma fait des grands ponts sur Anthony Lopes ! Une pensée émue pour mes voisins de stade, supporters de l’OL, que j’ai refroidi sur la main de Lindsay Rose: « Si si les mecs, faut être fair-play, y’a péno là. Ca me fait chier mais y’a péno… » Avec un grand sourire intérieur !

Propos recueillis par Hugo Hélin

(Photo OLweb)

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