1898 : Hans Gamper, à Lyon avant de devenir Joan

SOUS L’HORLOGE. On était tombés sur cette page en farfouillant dans les archives de la Bibliothèque de Lyon pour un article sur le football à Lyon en 1918. Ce portrait d’un Suisse de 21 ans qui joue au FC Lyon est pourtant bien plus ancien, puisqu’il date du 26 mars 1898. Mais il convient sans doute de le relire en ce jour d’OL-Barça.

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C’était une époque différente, où le football n’était évoqué pour la première fois qu’à la page 9 de ce numéro 12 du « journal de tous les sports, organe officiel de toutes les Fédérations et des principales Sociétés Sportives de Lyon et du Sud-Est » (comme se proclame en une Lyon-Sport), après les rubriques « Chasses et chiens », « Tir aux pigeons », « Colombophilie », « Rowing », « Patinage » et « Escrime ».

C’était une époque différente, où football-association (celui que l’on connaît toujours) et football-rugby (juste appelé rugby aujourd’hui et toujours pratiqué de façon folklorique dans quelques zones du Commonwealth et certaines sous-préfectures du sud-ouest de la France) partageaient leur nom. Mais aussi leur vocabulaire : Lyon-Sport vante ainsi les « excellentes qualités de dribbleur » de Hans Gamper, qui n’avait « jamais joué que le Football-Association » avant d’arriver au FC Lyon, qui pratique alors le football-rugby.

C’était une époque différente, et ce n’est sans doute pas un hasard si Hans Gamper était suisse. Dans le chapitre de son Histoire du football consacré à ce qu’il appelle « La première mondialisation du football », Paul Dietschy écrit ainsi : « La Suisse romande et alémanique fut sans conteste le premier foyer de développement du football sur le continent européen », après avoir découvert ce sport dans la deuxième partie du XIXe siècle grâce aux enfants « d’aristocrates et de nouveaux riches britanniques » envoyés là pour étudier en respirant le bon air des montagnes plutôt que celui du Londres de la révolution industrielle. « Entreprenants et voyageurs, des cadres, des ingénieurs et des enseignants helvétiques contribuèrent ensuite, au cours de leurs pérégrinations, à essaimer le football en Europe méridionale. » Hans Gamper sera le plus marquant d’entre eux.

C’était une époque différente, où le Barça n’existait pas encore. Il faudra en effet attendre un an après la parution de cet article dans Lyon-Sport pour que Hans Gamper, parti entre-temps en Catalogne, ne fonde en 1899 le FC Barcelone après avoir fait paraître une petite annonce dans Los Deportes. Il en deviendra ensuite le président, et une figure mythique du club après son suicide en 1930. Une rue porte ainsi son nom dans le quartier Los Corts, tout comme un trophée amical d’avant-saison. Son nom, ou plutôt la version catalane de celui-ci, Hans devenant Joan.

C’était une époque différente, et la suite aurait pu l’être aussi si Gamper était resté à Lyon. Le portrait du jeune Suisse dans Lyon-Sport semble ainsi indiquer qu’il n’était pas un grand amateur de football-rugby : « De là son défaut : Ne rêve que de faire jouer l’Association au F.C.L. » Si le FC Lyon l’avait laissé faire, il aurait peut-être aujourd’hui dans son effectif un dribbleur qui s’appelle Lionel Messi.

Hugo Hélin

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