Pourquoi les footballeurs sont-ils si souvent absents à la reprise ?

Par Zénon Zadkine
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Publié le: 4 juillet 2018

ZÉNON C’EST NON. Chaque année, des milliers de footballeurs rentrent de vacances en retard et ratent la reprise. Une situation qui les amène à subir les quolibets d’un milieu où on ne badine pas avec la morale. Memphis Depay est la dernière victime de cet acharnement. Mais d’où vient cette étrange tradition ?

Memphis Depay, absent pour la reprise de l’Olympique Lyonnais, «sera sanctionné» https://t.co/oY9mmjFzJd pic.twitter.com/0mZ115dpha

— Л’ЭКИП – L’ÉQUIPE (@lequipe) July 3, 2018

Le retard à la reprise prend ses racines outre-Manche, comme beaucoup d’innovations footballistiques (le professionnalisme, le 4-4-2 avec deux attaquants costauds qui mettent des têtes, le 4-3-3 avec un grand attaquant costaud qui met des têtes, le 4-2-3-1 avec un attaquant costaud qui met des têtes et un faux numéro neuf qui met des têtes, le recrutement de tacticiens étrangers – pour n’en citer que quelques-unes, par ordre chronologique). Il faut en effet attendre 1968 pour voir un joueur absent à la reprise, Oliver Comb.

Le nom de ce grand talent, dont chaque Anglaise connaît alors le visage et qui était surnommé « Le Cinquième Fleetwood Mac, Ou Sixième Selon Combien Ils Sont, Putain Ça Change Tout Le Temps, Ils Sont Huit Maintenant Sérieux, Ils Ont Encore Viré Le Bassiste ? », a pourtant été quelque peu oublié. Il faut dire que Comb n’a jamais réussi à confirmer les promesses de ses débuts en pro, lorsque ses dribbles sur le flanc droit d’Aston Villa en faisaient le chouchou du Royaume.

De retour à l’entraînement avec deux semaines de retard en 1968, l’ailier alors âgé de 19 ans expliquera « avoir eu besoin de se ressourcer loin de toute civilisation. » Un rituel qui continuera tout au long d’une carrière qui partira rapidement à la dérive. 12 ans plus tard, Comb prend sa retraite après une dernière pige à Thamesmead Town (signé par téléphone sans voir le joueur, le contrat est rompu après que le club de 11e division a découvert que le natif de Solihull pèse alors 101 kg pour 1m69) et un ultime scandale qui fait les gros titres de tabloïds toujours à l’affût du moindre de ses dérapages.

Comb continuera jusqu’à sa mort en 1997 d’enchanter les médias grâce à ses formules ciselées qui en ont fait un client parfait pour les interviews.« Il n’y a pas de sentiment plus beau que de tirer dans la lucarne, à part tirer Raquel Welch évidemment. » ; « J’ai marqué à Wembley, marqué à Old Trafford, marqué à Anfield, marqué à Stamford Bridge, mais le mieux ça a été de marquer dans le lit de la brune d’ABBA. » ; « J’aurais sans doute pu réussir une meilleure carrière, mais vaut-il mieux soulever le Ballon d’or ou Miss Warwickshire ? »

L’héritage de Comb perdurera malgré tout au Brésil, où sa méthode de préparation estivale connaît une deuxième vie depuis la publication de la traduction de l’autobiographie de Comb « Meu Vida » (« Let Me Tell You How I’ve Scored A Lot Of Goals And Fucked A Lot Of Girls », en version originale) au début des années 90. Adriano, en retard d’une semaine pour la reprise de l’Inter : « J’avais besoin de ce petit moment à moi, de me purifier, de détoxifier mon organisme. » Ronaldinho, revenu du Brésil 10 jours après le premier entraînement du PSG : « Comment mieux se préparer au tumulte d’une saison stressante qu’en s’exilant quelques jours dans la montagne pour y vivre en ermite ? La lutte pour l’Intertoto contre le Nice de Noé Pamarot et le Lens de Dagui Bakari s’annonce éprouvante. » Neymar, après trois semaines sans donner de nouvelles au PSG : « J’avais besoin de passer du temps seul avec ma sœur. »

Les mauvaises langues diront que c’est un manque de respect pour leur employeur et que les vrais gens se feraient virer s’ils arrivaient avec 30 minutes de retard au boulot le matin. Mais le football est un milieu à part. A priori il n’y a pas 80.000 personnes qui font la hola quand monsieur Guillot te téléphone pour te dire que le devis est OK, et ton pote Jean-Louis n’est pas payé 100.000€ par mois pour hurler « PHOTOCOPIEZ ! » aux stagiaires. D’autres mauvaises langues disent que les footballeurs ne font en réalité que ce que l’on ferait tous si on était beaux, riches, célèbres et talentueux : passer ses vacances à jouer à Fortnite en buvant du champagne à même le goulot avec des top models dans un bungalow sur pilotis d’un hôtel 5 étoiles des Bahamas, en sachant qu’on ne risque rien en cas de retard car le rapport de force avec les clubs est en faveur des joueurs. Ce n’est évidemment que pure calomnie, basée sur des clichés et sur une haine de la réussite très française. D’ailleurs, Mathieu Gorgelin était là dès lundi et n’a jamais mis les pieds aux Bahamas.

Zénon Zadkine

(Photo Memphis Depay)