Cyrille Clavel : « J’apprends tous les jours »

Clavel

ENTRETIEN. Cyrille Clavel est un homme pressé. Le vainqueur de la Gambardella en 1997 avec l’OL (il avait été le héros malheureux de la finale contre Montpellier, puisque sa blessure avait forcé l’attaquant Roland Vieira à enfiler les gants… et à aider son équipe à remporter le trophée lors de la séance de tirs au buts) est désormais entraîneur des gardiens de la Duchère le matin. Avant d’enfiler d’autres casquettes l’après-midi. Entretien entre midi et deux.

 

Roland Vieira :
« Fallait bien que quelqu’un y aille… » 

 

C’est quoi ta vision du poste de gardien de but ?

C’est un funambule. Tu es toujours sur le fil, un coup en équilibre, un coup en déséquilibre. C’est un individu seul dans un collectif et il n’y a qu’en travaillant que tu vas arriver à gérer cela. Un gardien, ça doit être un bourreau de travail. Si tu n’es pas prêt à ressortir du terrain lessivé tous les jours, ta progression va stagner à un moment donné. Il y a une grosse part d’instinct, mais cet instinct se travaille. Quand tu vas chercher quinze ballons au même endroit, tu vas peut-être louper tes prises de balle ou juste la claquer sur les dix premières. Mais tu vas bloquer la onzième. Il faut toujours aller gratter des petits progrès. Le poste de gardien c’est du détail. C’est pour ça qu’on fait de la vidéo, qu’on discute beaucoup après les exercices. Quand on prend un but : « Si t’avais fait ça, est-ce que tu penses que… ? » La vidéo c’est bien pour ça. Tu ne peux pas te cacher, déjà, et ça te permet de te dire que peut-être si tu fais ce petit pas latéral il se passe ça. Et le week-end d’après, dans la même situation, tu t’en sors mieux. Sans vidéo, c’est juste du ressenti à l’instant T et c’est plus compliqué.

Tu avais des exemples à ce poste ?

J’avais trois exemples : [Oliver] Kahn, [Peter] Schmeichel et [Gianluigi] Buffon. Pour moi, c’était les meilleurs gardiens. Pour leur charisme notamment. Quand tu rentrais sur le terrain, tu savais qu’ils étaient là. Je ne vais pas dire que j’ai fait comme eux, ça restait du Cyrille Clavel quoi, mais je me suis inspiré d’eux. Dans la génération d’aujourd’hui, il y a [Manuel] Neuer ou [David] de Gea. Des profils différents.

En tant qu’entraîneur de gardiens désormais, tu es obligé de suivre ces tendances ?

Comme on est une équipe joueuse, on a besoin que le gardien soit capable de casser les lignes avec son jeu au pied, de mettre de la vitesse dans ses relances, d’être toujours haut.

On vit avec son temps. C’est une obligation. Si tu ne suis pas, tu stagnes. Le jeu va tellement vite que t’es obligé d’évoluer. Quand je prends des jeunes gardiens, je favorise le jeu au pied. Moi j’ai vécu deux temps : le temps du gardien qui pouvait prendre la balle à la main dans la surface [après une passe en retrait d’un coéquipier, règlement changé en 1992, ndlr] et le temps du gardien aussi bon aux pieds qu’avec les mains. Aujourd’hui, un gardien doit être un joueur de champ. On lui demande d’être décisif avec ses mains, mais aussi capable d’être bon au pied. Et même très bon.

Karim Mokeddem, entraîneur de la Duchère, nous avait dit après un match où il avait été très bon dans ce domaine que c’est ce qu’ils avaient le plus travaillé avec Jean N’Djalkonog, arrivé en tant que remplaçant en 2015 et titulaire cette saison (l’interview a été réalisée avant sa boulette à la dernière seconde contre Dunkerque, qui peut toutefois être lue comme une volonté de ne pas balancer).

Jean a toujours été très bon sur sa ligne. À la base, c’est un chat ! Il a toujours eu cette explosivité. On continue de travailler ça, parce qu’il faut toujours bosser les points forts, mais le jeu au pied c’est un boulot au quotidien. J’essaye d’en mettre dans toutes mes séances. Tout le temps, tout le temps, tout le temps. Comme on est une équipe joueuse, on a besoin que le gardien soit capable de casser les lignes avec son jeu au pied, de mettre de la vitesse dans ses relances, d’être toujours haut.

Et comment ça se travaille ?

Il y a du travail analytique, c’est à dire de la répétition pure contrôle-passe contrôle-passe contrôle-passe, où on va chercher la simplicité. Et après, on va essayer d’insérer des choses dans d’autres exercices. Le gardien va par exemple enchaîner plusieurs actions, prises de balle ou plongeons, et vite se relever pour faire une relance. Ça, c’est pour travailler cette capacité à se fatiguer et à être capable ensuite de faire un geste simple à la base, mais compliqué parce qu’il faut rester concentré et garder cette lucidité.

 

Jean a toujours été très bon sur sa ligne. À la base, c’est un chat ! Il a toujours eu cette explosivité. On continue de travailler ça, parce qu’il faut toujours bosser les points forts, mais le jeu au pied c’est un boulot au quotidien.  (Photo Lyon Duchère AS)

« Jean a toujours été très bon sur sa ligne. À la base, c’est un chat ! Il a toujours eu cette explosivité. On continue de travailler ça, parce qu’il faut toujours bosser les points forts, mais le jeu au pied c’est un boulot au quotidien. » (Photo Lyon Duchère AS)

 

Lors d’une semaine d’entraînement, comment on gère le match à venir ? Au niveau physique, mais aussi de la préparation ? Est-ce qu’il y a un retour et une adaptation sur le style de jeu de l’adversaire ou sur la composition de ta propre équipe ?

On sait que certaines équipes vont beaucoup centrer, donc on va beaucoup axer le travail de la semaine sur les ballons aériens. D’autres aiment jouer dans la profondeur ou le dos de la défense, donc on s’adapte aussi.

J’ai beaucoup de liberté pour préparer mes séances. On me dit le temps que j’ai, 40 minutes par exemple, et voilà. Je sais aussi l’orientation de l’entraînement : s’il y a un atelier de frappes derrière, je vais peut-être moins les fatiguer. On va travailler, mais il faut qu’ils gardent de la lucidité parce que les joueurs de champ auront besoin d’avoir des gardiens au top. Si c’est plutôt un jeu, je vais pouvoir tirer un peu plus au niveau musculaire et mental pour qu’ils soient vraiment en situation de match. Les séances de veille de match, on essaye de mettre moins d’intensité. On travaille un peu plus sur les prises de balle, il y a un aspect de mise en confiance. Pour le reste, j’essaye beaucoup de m’adapter. On sait que certaines équipes vont beaucoup centrer, donc on va beaucoup axer le travail de la semaine sur les ballons aériens. D’autres aiment jouer dans la profondeur ou le dos de la défense, donc on s’adapte aussi. La composition de notre équipe est dictée par les entraînements et par le groupe disponible, et on en parle avec Jean pour savoir comment s’orienter ou gérer certains ballons. Et on fait beaucoup de vidéos, c’est primordial aujourd’hui.

Tu les fais toi-même ?

Il y a quelqu’un qui m’aide parce que c’est beaucoup de boulot, surtout avec toutes mes activités. J’essaye toujours de faire un compte rendu à Jean après son match. C’est important pour lui aussi, parce qu’on n’a pas toujours le même ressenti sur le terrain. Parfois on se dit qu’on n’a pas touché des masses de ballon et ça peut aider de montrer que si, tu as fait deux ou trois prises de balle aérienne, une vingtaine de ballons au pied, etc. Et on fait aussi des vidéos pour anticiper la semaine d’après.

Et pendant le match, tu es déjà dans l’analyse ?

J’ai une grille d’évaluation pour Jean avec toutes ses actions, que ce soit une prise de balle, une relance au pied, un arrêt décisif, un but encaissé… Après, je regarde aussi le match à la vidéo. S’il y a des actions que je trouve litigieuses, je note le chrono et je les examine par la suite. La grille, c’est un moyen de quantifier, et j’essaye aussi de lui faire un petit compte rendu de ce que j’ai ressenti.

 

« Du squash, du trampoline, et pourquoi pas du padel »

Et tu arrives malgré tout à t’enflammer, par exemple quand Jean fait une belle parade à la dernière minute à Pau ? Il y a un peu de fierté quand même ?

J’apprends tous les jours. J’apprends quand je viens ici à Lyon le matin, parce que Karim a une façon de voir le football hyper intéressante. Mais j’apprends tout autant l’après-midi.

Mine de rien, on travaille toute la semaine pour que le gardien soit performant. C’est son job. Et il y a des moments où ce travail de tous les jours paye sur un arrêt décisif. C’est aussi ce que je demande aux gardiens. Les meilleurs ne sont pas ceux qui vont toucher 40 ballons et faire 40 arrêts. Ça, c’est tenable sur un match. Les meilleurs vont avoir à faire un ou deux arrêts par rencontre et c’est ça le plus dur. On lui demande d’être là, à ce moment-là. Donc oui, ça rend fier, mais on ne peut pas se permettre de rester là-dessus. Cet arrêt est fait et nous a permis de ramener un point, mais il faut déjà qu’on se projette sur la semaine d’après. Mais ça permet aussi de gagner en confiance et de pouvoir travailler autre chose, en emmenant Jean là où on veut l’amener.

Tu as un peu évoqué tes autres activités. Tu as tes diplômes de préparateur physique et tu fais beaucoup de choses à côté de la Duchère, notamment travailler avec des clubs d’équitation ou de handball. Tu t’occupes uniquement de la prépa physique en hand, pas de l’entraînement des gardiens ?

C’est ça. Mais c’est aussi quelque chose que j’aimerais approfondir, faire à mes gardiens de foot des séances de hand ou de futsal par exemple. Quand il y a des séances spécifiques dans le club de hand où je travaille, je regarde et je me demande ce que je pourrais adapter. Avec les gardiens de la Duchère, on a déjà fait du squash et du trampoline. Pourquoi pas du padel un jour, par exemple. Ça fait aussi travailler le poste de gardien de foot, mais d’une façon différente.

C’est important d’éviter la routine pour toi ?

Le fait de me diversifier dans mon activité me permet de travailler sur autre chose et d’avoir des points de vue différents. Avec des associations, avec des écoles, en faisant du coaching personnalisé pour des sportifs, pour des gens qui veulent se mettre au sport ou perdre du poids, d’autres qui sortent de blessure et veulent se réathlétiser… C’est enrichissant, et quand tu mets ça bout à bout ça te permet de prendre du recul pour toutes tes activités. Tu réfléchis tout le temps. Même quand je jouais en amateurs, j’aimais bien faire des boulots à mi-temps à côté. Parce que le football me permettait juste de vivre et pas de mettre de l’argent de côté, mais aussi pour que mon cerveau soit toujours en activité. C’est ce que j’aime et ce qui fait peut-être ma force. J’apprends tous les jours. J’apprends quand je viens ici à Lyon le matin, parce que Karim [Mokeddem] a une façon de voir le football hyper intéressante. Mais j’apprends tout autant l’après-midi.

 

« C’est totalement différent et c’est ça qui est enrichissant »

Tu travailles aussi avec des gardiens très jeunes, est-ce que c’est la même chose et est-ce que cela te sert avec des joueurs de niveau National ? 

Eux, je vais les former dans le temps. Parfois il faut un an, deux ans, trois ans pour qu’un gardien se forme et commence à avoir les bonnes aptitudes et les bonnes sensations. Quand Karim [Mokeddem] et le président [Mohamed Tria] m’ont appelé et m’ont fait une proposition, c’est le seul doute que j’avais : là, il fallait que les gardiens soient tout de suite compétitifs. Ce n’est pas la même chose. Mais par contre je m’éclate au quotidien. Je travaille avec plusieurs clubs, de U8 à Seniors, et à tous niveaux. Et le fait de travailler tous les jours avec des gardiens pros, ou semi-pros, à la Duchère permet de relativiser, de prendre sur moi, de prendre du plaisir à rechercher des séances pour repousser les limites. Aujourd’hui, je suis vraiment super heureux dans ce que je fais. Je dois former et je dois aussi avoir des gardiens performants le week-end. C’est totalement différent et c’est ça qui est enrichissant.

Est-ce qu’en U8 par exemple, on arrive déjà à voir certains jeunes qui sortent du lot à ce poste si spécial ?

Oui, il y en a qui ont la fibre. C’est leur poste, ce qu’ils veulent faire. J’ai un jeune gardien qui sent le football comme un grand. Là il est en U12, il faut qu’il grandisse au quotidien. Il faut qu’il passe les étapes, par catégorie d’âge. Quand il va passer dans le jeu à 11, comment ça va se passer ? Entre jeu réduit et grand terrain, ce n’est pas la même chose. On travaille parfois sur plusieurs années, avec des objectifs à deux ou trois ans. Et quand on t’envoie une photo pour te dire qu’untel a été élu meilleur gardien de son tournoi de jeunes, ça fait plaisir. Tu te dis qu’il avait du potentiel et qu’il a passé les paliers. Et ça fait aussi plaisir quand les clubs te reconduisent année après année ou que les parents viennent te remercier, même si tu n’es pas là pour la reconnaissance.

Avec les jeunes du FC Salaise en 2012 (Photo FC Salaise)

Avec les jeunes du FC Salaise en 2012 (Photo FC Salaise)

Tu as aussi travaillé avec des féminines, c’était encore autre chose ou c’est le même job au final ?

Tu ne peux pas te contenter de poser trois plots, sans expliquer pourquoi on va faire ça.

C’est totalement différent ! Il faut beaucoup leur expliquer, avoir une vraie relation avec elles. Quand tu fais une séance, il faut y avoir réfléchi avant pour être capable de répondre à leurs questions. C’est un apprentissage que je conseille à tous les entraîneurs de gardiens. Moi ça m’a fait énormément grandir. J’avais Méline Gérard à l’ASSE [aujourd’hui à Montpellier après être passée à l’OL]. Elle avait des objectifs élevés et à la fin de l’année elle était en équipe de France et ça s’est joué de peu pour qu’elle aille à l’Euro [en 2013]. [Bruno] Bini avait emmené les quatre gardiennes et ça s’était joué de peu entre elle et [Karima] Benameur. Mais elle était encore jeune, c’était une gardienne à former. J’ai passé une année exceptionnelle avec elle et Julie Perrodin, sa numéro 2 [aujourd’hui à Grenoble]. J’ai grandi grâce à elles.

Patrice Lair nous disait la même chose, en racontant qu’il avait préparé une séance vidéo de 5 minutes et que les filles avaient posé des questions pendant 35 minutes

Tu ne peux pas te contenter de poser trois plots, sans expliquer pourquoi on va faire ça. Les garçons vont arriver sur le terrain et c’est parti. Avec les filles, il fallait prendre un temps de réflexion pour expliquer la finalité de l’exercice, à quoi ça allait servir transposé en match. Ça force à structurer tes séances et à mettre du lien dans ta programmation. Ça m’a beaucoup servi, aujourd’hui je ne travaille que comme ça. Dans tous mes clubs, je programme toutes mes séances. Avec mes jeunes à former, il y a toujours une ligne. Mais si je n’atteins pas l’objectif tout de suite, je peux l’atteindre l’année prochaine. Avec la Duchère, il faut que j’ai du lien dans ma programmation, mais qu’ils soient performants de suite. Ce n’est pas la même chose. J’ai créé un stage de gardien aussi, 20 ou 30 à chaque session deux fois dans l’année, et c’est pareil : on met du lien dans le stage pour qu’ils puissent le retrouver le reste de la saison, que ce soit avec moi ou un autre entraîneur. On est obligés de mettre une ligne directrice, sinon on ne peut pas avancer.

 

« Et après, c’est le trou noir… »

Ton vécu de gardien doit te servir. Tu as toujours été titulaire ?

Ouh là, non. J’étais un gardien très moyen. Par contre j’avais une force que d’autres n’avaient pas : j’étais un gros travailleur, j’allais toujours chercher au-delà de mes limites. Je suis arrivé à l’OL et je n’étais pas titulaire. À force de bosser, je suis passé devant le gardien qui était devant moi et qui avait commencé à être en équipe de France jeunes. Ce qui a empêché ma progression, c’est mes blessures. L’année de la finale de la Gambardella, je n’étais pas titulaire mais je travaillais en sachant que ça allait payer. Armand Garrido ne m’a jamais laissé de côté, il m’a toujours fait confiance. Je devais partir faire un essai à Nice et Armand a parlé à mon père. Je ne joue pas un match contre Saint-Étienne, deux rencontres avant la demi-finale de la Gambardella je crois. C’est son choix et ils perdent 4-2 avec quelques erreurs du gardien. Il me fait ensuite confiance contre Auxerre, juste avant la demi-finale. Je fais un gros match et ça lance ma fin de saison.

Ce n’est pas toi le héros de la finale de la Gambardella.

Oui, c’est Roland [Vieira]. Après, je peux dire que je l’ai gagné et que j’étais titulaire lors de cette finale.

Pourquoi il n’y avait pas de gardien remplaçant ?

Ça ne se faisait pas. Tu amenais un deuxième gardien, mais il n’était pas sur la feuille de match. Ça a changé grâce à moi, ou à cause de moi ! Il y avait trois remplaçants, mais pas de gardien. Et ce qui devait arriver arriva.

On n’a pas trouvé d’images de ce OL-Montpellier au Parc des Princes. Tu peux nous raconter le choc qui te force à sortir et à laisser ta place dans les buts à Roland Vieira ?

Je n’ai rien vu du tout de la fin du match, j’ai fini à l’hôpital en surveillance. Je crois que même la coupe, je ne l’ai vue qu’une semaine ou deux après.

Moi, je ne me souviens que de la vidéo ! Je n’ai rien vu du tout de la fin du match, j’ai fini à l’hôpital en surveillance. Je crois que même la coupe, je ne l’ai vue qu’une semaine ou deux après. C’est une sortie dans les pieds, j’ai un temps d’avance sur l’attaquant, il veut jouer le ballon et me percute la tête. Et après, c’est le trou noir pour moi. Cette expérience, je m’en sers au quotidien. Je n’ai pas pu faire la carrière que j’espérais, même si j’ai joué une dizaine d’années en CFA ou CFA2 avant de revenir dans la région pour des raisons familiales, en continuant à jouer au niveau régional. J’ai arrêté à 28 ans. Toujours titulaire, avec des hauts et des bas. J’ai fait un choix, celui de partir un peu à droite et à gauche, pour ma propre expérience et voir un peu de tout. Je pense que ça m’a permis d’évoluer. Tomber dans la facilité ou perdre ma place m’a permis de travailler de nouveau à chaque fois.

Ça représentait quoi l’OL pour un gamin de ton époque ?

J’avais fait des essais avec les jeunes de Montpellier, qui étaient entraînés par [Fleury] Di Nallo. L’OL est venu me chercher aux Minguettes. Je me voyais mal partir, il fallait du courage pour quitter sa famille. Mais je voulais voir ce qu’était le monde pro, parce que le football c’était ma vie, et j’aurais sans doute signé là-bas s’il n’y avait que Montpellier. L’OL, c’était LE club. T’étais d’ici, tu voulais signer à l’OL. Au départ j’étais joueur et je faisais gardien quand il fallait remplacer un absent. Au bout d’un moment, j’ai choisi ce poste parce qu’il me convenait. J’étais un peu fou fou, un peu kamikaze, et ça me plaisait d’être le héros. J’aimais le duel, le rapport de force entre l’attaquant et toi. Ça s’est fait naturellement vers 10 ou 11 ans, mais j’aimais déjà ce poste.

 

« Tu te demandes ce qu’il se serait passé s’il ne t’avait pas blessé »

Comment tu as quitté l’OL ?

J’ai dû faire un choix entre carrière pro et études. Est-ce que c’était le bon ? Je me suis blessé, peut-être au mauvais moment, on m’a fait comprendre que je jouerai peut-être pas beaucoup. Je suis retourné aux Minguettes et quand j’ai eu mon bac, j’ai décidé d’aller à droite et à gauche. Avoir quitté l’OL, ça m’a fait mal. Tu t’entraînes 7 à 9 fois par semaine, tu ne vis que pour ça, et tu retournes dans un club amateur où tu t’entraînes 3 ou 4 fois par semaine. Mentalement c’était dur, j’ai mis un an et demi à prendre conscience que je ne ferais peut-être pas carrière.

Tu en as voulu à Toifilou Maoulida, puisque c’est lui l’attaquant de Montpellier qui te percute en finale de la Coupe Gambardella ?

Je lui en ai voulu sur le coup. Tu te demandes ce qu’il se serait passé s’il ne t’avait pas blessé, si tu avais fini le match. Est-ce qu’on gagne dans le temps réglementaire ? Est-ce qu’on gagne aux tirs au but ? Est-ce que ça ne lance pas ta carrière ? Mais je pense que ça m’a fait grandir et évoluer aussi. Je dis toujours aux gens avec qui je bosse qu’il n’y a qu’en travaillant et en persévérant que tu vas y arriver. Même s’il y a une part de chance. Tu prends le cas de [Mickaël] Landeau, il est quatrième ou cinquième gardien, profite d’une série de blessures ou de suspensions, fait un match exceptionnel à Bastia et sa carrière est lancée.

Et par rapport à Roland Vieira ? Tu n’as pas été frustré ou jaloux d’avoir pris un but alors que l’attaquant qui t’a remplacé n’en a pas encaissé et est devenu le héros de la séance de tirs au but ?

Honnêtement, je ne me suis même pas posé la question. Les joueurs étaient tellement choqués qu’ils ont tout de suite pensé à moi quand ils ont gagné. On avait une équipe très forte, une machine à gagner. On est quand même la dernière génération à avoir gagné une Gambardella. C’est un peu une fierté. Bon, quand l’OL se fait éliminer, ça me fait toujours chier. Mine de rien, certains gardiens que j’ai formés en jeunes sont arrivés en finale, ce serait bien qu’ils la gagnent. C’est un bon souvenir, mais ça fait toujours un petit pincement au cœur. Je n’aime pas trop en parler, parce que je n’aime pas repartir dans le passé. Certains me disent que je devrais plus en parler, parce que c’est important. Je ne sais pas. Mon quotidien c’est que tout le monde soit performant sur le terrain, qu’ils se posent la question de savoir ce qu’on va faire aujourd’hui et dans quel état ils vont finir. C’est ça qui me fait avancer aujourd’hui.

Entretien réalisé par Marion Dupas et Hugo Hélin

(Photo Lyon Duchère AS)

Le site pro de Cyrille Clavel

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