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Puydebois : « C’est là qu’on voit les joueurs du PSV sortir du vestiaire de l’arbitre… »
- Publié le: 8 mai 2014
SOUS l’HORLOGE. Neuf ans après, même installée à la tête de deux bars à salade à Vaise, l’ancienne doublure de Grégory Coupet n’a pas encore digéré « le vol » d’Eindhoven. De la faute de Gomes sur Nilmar en prolongation à la visite des joueurs néerlandais dans le vestiaire de M. Nielsen, Nicolas Puydebois, 33 ans, revient sur ce funeste quart de finale de Ligue des champions. Mais aussi sur sa Renault Modus et sur ses larmes après le premier titre, lui le supporter lyonnais devenu titulaire un soir à Old Trafford.
Il paraît que plusieurs joueurs amateurs ne te reconnaissent pas lors de matchs d’urban foot auxquels tu participes. Comment l’expliques-tu ?
Certains m’ont peut-être oublié et d’autres ne me reconnaissent peut-être pas à cause du surpoids. Cela permet, par rapport à d’autres, d’avoir une certaine tranquillité.
De quand date ce surpoids ?
Depuis que j’ai arrêté le foot pro (en 2010 à Nîmes, ndlr). Tu arrêtes de faire du sport. Tout ce qui a si longtemps été interdit pendant ta carrière ne l’est plus donc forcément, tu te rabats dessus. Et ça ne pardonne pas. (Rires) Déjà en tant que footballeur, j’avais tendance à prendre un peu de poids malgré l’hygiène de vie stricte. Je savais donc que j’allais y avoir droit et j’ai pris un bon 25 kg après la fin de ma carrière. Je viens de me remettre à courir trois fois par semaine, pour un bien-être personnel.
À quel âge as-tu rejoint le centre de formation de l’OL ?
J’ai joué à l’AS Villeurbanne en débutants puis j’ai intégré l’OL très jeune, en poussins première année. J’ai quasiment tout de suite été dans les buts et mon premier entraîneur de gardiens était Dominique Giuly, le papa de Ludo.
« Au centre de formation, j’ai failli passer plusieurs fois à la trappe »
Quels souvenirs retiens-tu particulièrement de ta formation à Lyon ?
Chaque année, je passais limite. Jusqu’en moins de 15 ans, je n’étais pas souvent en équipe 1. Il fallait que je prouve que je méritais ma place. À cet âge-là, il y a une sélection et c’est assez dur de se rendre compte qu’on a des copains qui ne seront plus là l’année suivante. Il y a déjà un certain professionnalisme alors qu’on n’est qu’à l’époque du jeu. Jusqu’aux cadets nationaux et le sport-études, on est là, selon moi, pour apprendre à jouer. Au départ, c’est un jeu. Ce premier écrémage est assez douloureux. La préformation dans les clubs professionnels a fait ses preuves mais elle a certaines limites. Elle n’est pas très passionnelle. Cela me chagrine peut-être un peu aussi car j’ai failli passer plusieurs fois à la trappe. (Sourire)
« Steed a toujours été clairement au dessus »
Certains joueurs que tu as côtoyés durant cette période sont-ils devenus pros ?
Dans le premier match que j’ai disputé en poussins à l’OL, deux autres joueurs ont signé un contrat pro : Laurent Montoya à l’OL et Mickaël Colloredo à Nîmes. Puis j’ai aussi évolué avec Yohan Gomez. Et Steed Malbranque redescendait du groupe pro pour jouer avec nous en Gambardella, où on avait perdu en quarts face au PSG. Il était surclassé car il a toujours été clairement au-dessus. On était dans la même classe en 4e et en 3e au collège Saint Louis-Saint Bruno. Quand on se croise, on a encore plaisir à se voir.
Comment as-tu vécu son bluffant retour à l’OL durant l’été 2012 ?
« J’ai trouvé Domenech lassé, éreinté et pas naturel avec les A. […] On ne gère pas un Puydebois comme on gère un Zidane »
Avant d’avoir ta chance avec les pros, tu as pu être champion de CFA en 2001.
J’ai notamment joué avec Julien Viale, Alexis Genet et avec Flo Balmont aussi. C’est un vrai besogneux Flo, un pitbull qui a eu besoin de grosses qualités mentales pour s’imposer.
Dans la foulée, comment vis-tu ta présence au Mondial des moins de 20 ans en Argentine, où tu es le seul Lyonnais convoqué ?
J’ai eu cette chance alors que je n’avais jamais connu une seule convocation en jeunes. Comme quoi, il n’y a vraiment pas de règle. Chacun a son parcours et son destin. J’étais la doublure de Nicolas Penneteau et je n’ai pas joué du tout. C’était la génération Cissé, Mexès, Givet, Cheyrou. On s’est fait éliminer par un triplé de Saviola en quarts face à l’Argentine (1-3). Vingt-cinq jours en Argentine, c’était quand même une bonne aventure.
Et sur le banc, il y avait un certain Raymond Domenech…
J’ai trouvé que c’était quelqu’un d’attachant. On était lyonnais tous les deux, donc une sympathie naturelle s’est créée entre nous. (Sourire) Je pense qu’il n’a pas géré les moins de 20 ans et les espoirs comme il a géré les A plus tard. Les egos n’étaient pas les mêmes. De l’extérieur, je l’ai trouvé lassé, éreinté et pas naturel avec les A par rapport à la personne que j’ai pu connaître. On ne gère pas un Puydebois comme on gère un Zidane.
À quel moment te mets-tu vraiment à croire en tes chances de faire une carrière pro à Lyon ?
« Le président Aulas me présente comme s’il me connaissait depuis toujours alors que je ne l’ai encore jamais rencontré. C’est là qu’on voit qu’il est vraiment fort »
« À Geoffroy-Guichard, Jo Bats n’a pas eu à se forcer »
Comment se passent tes premiers échanges avec Joël Bats lorsqu’il intègre le staff ?
Il arrive en 2001 et il ne me connait pas du tout. Il y a alors Greg (Coupet), Angelo Hugues et moi. Selon ses mots à Tignes, il tombe avec moi sur « un caillou qu’il faut polir ». Il disait même « un diamant » mais c’est présomptueux d’affirmer ça. Il trouve surtout que mes muscles sont de la guimauve ! (Sourire)
Quelles sont ses méthodes ?
Il mise beaucoup sur la vivacité. C’est à nous d’imposer des choix à l’attaquant et de ne jamais subir le jeu. Il faut qu’on s’engage. Il a toujours beaucoup axé son travail sur la tonicité des jambes. Selon lui, si les jambes répondent, on a plus de facilités pour bien réagir. Il apporte aussi son vécu du très haut niveau en nous rappelant tout le temps : « Même quand ça ne va pas, il ne faut pas que ça se voit. »
Quand tu vois les gardiens passés depuis entre les mains de Bats, comme Hugo Lloris et Anthony Lopes, tu sens sa patte dans leur jeu ?
« J’avais la chance d’avoir la double casquette : être supporter et vivre ça de l’intérieur »
Joël Bats, c’est aussi cette saison une écharpe lyonnaise accrochée aux filets de Geoffroy-Guichard…
Ça ne m’a pas surpris, il n’a pas eu à se forcer. (Sourire) Mais on a fait beaucoup de bruit pour pas grand-chose avec ça.
Comment vis-tu le premier titre de champion de France en 2002 alors que tu ne disputes pas une seule minute ?
Je suis en tribunes tous les matchs à Gerland en tant que troisième gardien. Dont le dernier contre Lens (3-1) que je vois comme la consécration de mon club. Ça faisait déjà douze-treize ans que j’y étais et j’avais la chance d’avoir la double casquette : être supporter et vivre ça de l’intérieur. Il y a plein d’émotions qui se croisent. Je me souviens avoir pleuré au coup de sifflet final. J’ai ensuite reçu ma médaille sur la pelouse et on a fait une belle fête avec ma famille et les gars.
Comment te comportais-tu, en tant que jeune gardien du club, dans ce vestiaire lyonnais ?
J’ai toujours su rester à ma place. C’est impressionnant au début de côtoyer un type comme Sonny Anderson que je ne voyais qu’à la télé. Puis c’est devenu mon quotidien. Quand tu es troisième gardien, tu es notamment préposé aux jeux devant le but et aux coups francs en fin de séance d’entraînement. Donc les matchs de CFA me paraissaient plus simples après avoir subi Juninho, Sonny et Sidney Govou la semaine à l’entraînement.
« Je me souviens très bien de cette séance: Vikash frappe et Greg ne plonge pas »
L’ambiance de vestiaire était l’un des véritables moteurs de ce groupe ?
Oui, en plus d’être bon sur le terrain, l’OL avait une vraie dynamique de vestiaire. Les cadres se retrouvaient très souvent pour manger un bout ensemble ou jouer aux cartes. Il n’y avait pas encore toutes ces tablettes, iPhones ou DVD portables qui te rendent individualiste. Les leaders étaient alors Sonny Anderson, Greg Coupet, Flo Laville, Fifi Violeau et Tof Delmotte. Et Marc-Vivien Foé qui était plus discret mais écouté. C’était la parole du sage. Tous ces mecs vivaient vraiment ensemble. À la fin de ma carrière (en 2010 à Nîmes), ça avait changé car la nouvelle génération ne jouait plus aux cartes mais aux jeux vidéo dans le bus. C’était moins convivial et la vie de groupe était plus difficile à créer en fin de compte. On partage clairement moins de choses dans les années 2010 que dans les années 2000.
Malgré cette bonne ambiance, il semble qu’il y ait eu un sérieux contentieux entre Greg Coupet et Vikash Dhorasoo ?
Je me souviens très bien cette séance de tirs au but à la fin du dernier entraînement avant la finale de Coupe de la Ligue en 2001 contre Monaco. Vikash frappe et Greg ne plonge pas. Mais c’était des compétiteurs et des gars intelligents. Donc ils n’avaient pas besoin de s’aimer pour jouer l’un pour l’autre. Cela aurait été plus compliqué s’ils avaient été dans une relation gardien-défenseur central nécessitant des automatismes.
« Je savais que je ne jouerai pas. J’essayais alors de préparer ma carrière en prenant le meilleur de Greg et de Joël Bats »
Selon toi, Vikash se retrouve prêté à Bordeaux (2001-2002) car il se sent mal aimé à l’OL ?
Non, je ne pense pas. Il avait une grosse brouille avec Greg. Peut-être que des joueurs proches de Greg le faisaient ressentir à Vikash mais la majorité du groupe était loin de ça. On savait juste que les deux ne partiraient pas en vacances ensemble. Et quand Vikash revient à Lyon (2002-2004), il n’y a pas de problème, il devient notamment très ami avec Péguy Luyindula.
Dans quelle optique te trouves-tu personnellement au sein de cette équipe, dans l’ombre de Grégory Coupet ?
J’étais à un stade où je n’avais pas d’état d’âme et je n’étais pas là pour imposer quoi que ce soit. Je souhaitais juste progresser et essayer de bousculer la hiérarchie. Bon, hormis en cas de blessure de Greg, je savais que je ne jouerai pas. J’essayais alors de préparer ma carrière en prenant le meilleur de Greg et de Joël Bats.
Tu effectues tes grands débuts avec les pros en février 2003, à Monaco (0-2).
Oui, Rémy Vercoutre est blessé et Greg se fait marcher dessus par Nonda en première mi-temps. Je rentre à la pause, je prends un but mais je fais deux arrêts, dont un sur Gallardo. C’est un aboutissement, mais le plus dur commence. Car l’ambition est évidemment d’enchaîner les matchs. Entre la défaite et la blessure de Greg, je dois être le seul à avoir le sourire dans le bus ! Je suis sur mon nuage, Greg et Jo sont contents de moi. Quatre jours plus tard, je joue un 0-0 des familles assez neutre contre Troyes à Gerland pour mon seul autre match de la saison.
« La suspicion n’en est que plus grande »
Tu vis quasiment la même saison en 2003-2004 avec trois rencontres au total, enchaînées en une semaine…
Je découvre au milieu la Ligue des champions à Anderlecht (0-1) entre deux matchs de championnat. Je me rappelle avoir marqué contre mon camp lors de la dernière rencontre à Rennes (1-3). Trois matchs en une semaine, ça ne m’était jamais arrivé et je finis lessivé. Le grand public ne s’en rend pas compte mais la débauche de concentration et d’influx me font réaliser que jouer tous les trois jours est un métier. On ne découvre ça qu’en disputant la Coupe d’Europe.
Ta situation évolue en 2004-2005 puisque tu passes numéro 2 après le prêt de Rémy Vercoutre à Strasbourg. Avec 14 matchs, as-tu le sentiment que ta carrière décolle vraiment ?
Oui, c’est la meilleure saison de ma carrière, celle où j’ai été le plus régulier, avec de gros matchs disputés. Greg se blesse à Gerland contre Fenerbahçe (en novembre 2004). On gagne 4-2 avec un doublé de Nilmar. Puis je joue à Manchester (2-1). C’est le plus grand match que j’ai pu faire face à Rooney, Giggs, Scholes, Ronaldo et Van Nistelrooy, qui marque de la tête le but de la victoire. Dans le couloir menant à la pelouse, tu réalises que tu es au milieu de gars que tu as vus à la télévision durant l’Euro. Tout va très vite, c’est un ton au-dessus. En première mi-temps, j’étais un peu spectateur tellement j’étais sur mon nuage. Puis ma deuxième période est plus aboutie. Cette année-là, on est éliminés par le PSV… (Il hésite) Enfin, on se fait voler avec le scénario qu’on connaît.
« Greg Coupet pensait que le dieu en lequel il croyait était plus fort que celui de Gomes »
Quelle est ta réaction sur le banc après ce fameux contact entre Nilmar et le gardien du PSV Gomes en prolongation ?
Je suis certain qu’il y a faute, comme tous mes partenaires. On se lève du banc. Après il y a cette séance de tirs au but perdue et le retour aux vestiaires. C’est là qu’on voit quasiment tous les joueurs du PSV sortir du vestiaire de l’arbitre (Kim Milton Nielsen). Ils étaient entrés avec leur maillot à la main et en sortent sans… Ce sont des choses assez bizarres. C’est la double peine car tu te fais éliminer suite à une erreur d’arbitrage et après avoir vu ça, la suspicion n’en est que plus grande.
Comment Greg Coupet a-t-il vécu ce cruel scénario ?
On était proches mais on n’a jamais reparlé de ça ensemble. Je me souviens juste qu’à chaud, il avait eu une discussion avec l’un de nos joueurs brésiliens au sujet de Gomes. On le voyait prier et faire de grands gestes pendant la série de tirs au but. Greg est très croyant aussi et il pensait que le dieu en lequel il croyait était plus fort que celui du gardien adverse.
« On achetait des bons joueurs pas cher avant d’acheter cher des joueurs moyens »
Les gars se voyaient aller au bout de la compétition cette année-là ?
On en avait les moyens. Des grosses équipes avaient été éliminées en plus. Franchement, je ne me souviens pas m’être projeté jusqu’en finale. Nous n’avions pas de recul, nous étions dans la spirale. Mais on aurait dû passer ce match… (Soupir de frustration) Autant contre le Milan AC la saison suivante, tu perds la rencontre en faisant des erreurs. Mais là, il y a deux matchs nuls et surtout ce penalty non sifflé donc tu te dis que tu t’es fait avoir. On nous a enlevé cette victoire donc la frustration est différente. On aurait pu marquer l’histoire.
Qui t’a le plus impressionné dans tes saisons lyonnaises ?
Il y en a eu pas mal entre Sonny, Juninho « le débloque tout », et les deux monstres physiques du milieu Dijla Diarra et Michael Essien. Essien était vraiment impressionnant, c’était un arbre ! Il était tellement rude qu’à l’entraînement, Paul Le Guen lui demandait parfois de se calmer.
« J’aimais beaucoup Alou Diarra, mais c’était inconcevable à mon époque de renverser un tableau par terre, comme il l’a fait à la causerie de Houllier »
À cette époque, l’OL a le nez fin d’avoir dégoté autant de joueurs méconnus…
On a vraiment eu une période où on achetait des bons joueurs pas cher avant une autre où on achetait cher des joueurs moyens. C’est ce qui explique que l’OL n’a plus les mêmes moyens aujourd’hui. Je n’étais plus au club mais quand le président donne les pleins pouvoirs à Claude Puel (2008-2011), c’est à partir de là qu’on achète le petit au milieu… (il hésite) Makoun et Keita, notamment.
Non, Kader Keita arrive l’été précédent, avec Alain Perrin…
Je suis vraiment supporter alors ! (Sourire) À l’époque, on fait cracher l’OL au bassinet, un peu comme le PSG actuellement. Avant, le club payait le juste prix. À une période, on venait à l’OL progresser, entrer dans un projet avec les premiers titres. À partir de 2006-2007, les gars venaient pour aller en équipe de France ou passer un cap. Il y en a eu beaucoup, comme Alou Diarra, que j’ai croisé en équipe de France espoirs. Les types gagnaient dix fois plus que ceux qui ont démarré l’aventure. Ils profitaient du statut de l’OL pour gagner en visibilité et s’enrichir. Avant, il y avait une réciprocité : le joueur gagnait à être à l’OL et faisait gagner l’OL. Sur la fin, c’est le joueur qui avait tout à gagner à être à l’OL sans rendre la pareille au niveau sportif. C’est peut-être un jugement un peu dur mais il y a eu certains qui sont passés et n’ont joué que leur carte personnelle. J’aimais beaucoup Alou Diarra, mais c’était inconcevable à mon époque de renverser un tableau par terre, comme il l’a fait à la causerie de Houllier en apprenant qu’il ne jouerait pas la finale de Coupe de la Ligue (0-1) contre Bordeaux en 2007. Il n’y avait pas d’état d’âme comme ça. Les mecs se mettaient au service du collectif et respectaient les autres joueurs. Tu ne faisais pas d’esclandre devant tout le monde.
« Cette proposition de l’OL, je l’attends toujours »
Même Santini et Le Guen avaient la poigne suffisante pour gérer de tels groupes?
Oui, ils avaient les qualités pour faire adhérer tout le monde à leur projet. J’aimais bien Jacques Santini. C’est comme pour Domenech, je suis peut-être à contre-courant… (Sourire) Le gros problème, c’est que tout est déformé par la loupe qu’implique l’équipe de France où chaque mot est épié. Sélectionneur de la France, ce n’est pas le même métier qu’entraîneur à l’OL. Avec nous, c’était quelqu’un d’assez jovial et chambreur. Il pouvait avoir du rythme. Ce n’était pas la personne molle qu’on a fait de lui en équipe de France.
Tu as toujours dégagé l’image de quelqu’un de simple à Tola Vologe, au volant de ta Renault Modus…
Oui, j’avais une « Mo-mo-modus » comme chantait Sylvain Wiltord (sur l’air du jeu télévisé culte). Je me faisais un peu chambrer. (Rires) Presque tout le monde avait l’Audi du club, mais ça me correspondait tout à fait. Je suis toujours resté terre à terre, assez simple. Il n’y a pas de quoi se monter la tête.
« [Entre Vercoutre et moi], celui pour lequel on trouvait un club partait, l’autre restait comme doublure. Je pense que j’avais plus de valeur marchande à cette période… »
Tu arrives à la fin de ton contrat en 2005. Pourquoi n’as-tu pas prolongé l’aventure à Lyon après ta belle saison ?
Marino Faccioli vient me voir un mois avant la fin du championnat en me disant que le club va me faire une proposition. Je sais que Rémy (Vercoutre) a encore un an de contrat et va revenir de son prêt à Strasbourg, où il a peu joué. On a tous les deux le même agent à l’époque, Alain Caveglia. On me tient comme discours que je vais rester doublure de Greg et que Rémy va être prêté à nouveau. Mais cette proposition de l’OL, je l’attends toujours. Je n’aurai jamais le fin mot de l’histoire. Mais à mon avis, il y avait un deal entre le club et Caveglia : celui des deux pour lequel il trouvait un club partait et le second restait comme doublure à l’OL. Je pense que j’avais plus de valeur marchande à cette période-là donc il était plus facile de me trouver un point de chute. Je suis peut-être parti un peu tôt car je n’avais que 24 ans et j’aurais pu être numéro 2 de Greg pendant encore deux ans. En plus, il a connu des blessures. J’aurais donc encore pu jouer la Coupe d’Europe et on sait qu’un seul match de Ligue des champions disputé vaut dans une carrière une saison complète en Ligue 2. Mais on me convainc et je pars pour jouer… mais dans un club où je ne suis pas sûr de jouer.
« Je suis parti de Lyon à 24 ans, le monde m’appartenait »
À Strasbourg, face à Stéphane Cassard, tu te retrouves dans la même situation que Rémy Vercoutre la saison précédente ?
Oui, je ne m’étais pas renseigné et j’apprends en arrivant là-bas que j’arrive en concurrence avec le type qui vient d’être élu par les supporters meilleur joueur de la saison 2004-2005. L’entraîneur Jacky Duguépéroux m’assure que le meilleur des deux jouera. Dans les faits, ça ne s’est pas passé comme ça. Je suis parti de Lyon à 24 ans, le monde m’appartenait, j’avais été champion trois fois avec l’OL, j’avais participé à la Ligue des champions, il ne pouvait rien m’arriver. Je n’avais pas assez appris mon métier et j’ai été naïf. À Strasbourg, je suis arrivé dans le vrai monde professionnel. À Lyon, on avait dû perdre deux ou trois matchs, et à Strasbourg on en a gagné cinq en L1 lors de ma première année. Je découvre ce que 90 % de footballeurs connaissent. Mais je n’avais jamais vraiment connu la galère à l’époque.
« Quand tu es doublure de Coupet, ce n’est pas grave, mais quand tu es doublure de Cassard en L2… »
Tu regrettes de ne pas avoir privilégié Valenciennes (L2), qui t’avait contacté au même moment ?
C’est le mauvais choix de ma carrière. À Valenciennes, j’étais sûr d’être numéro 1 avec Kombouaré et j’aurais touché un meilleur salaire qu’à Strasbourg. Mais ce n’était pas le moteur, j’ai privilégié la L1 et la Coupe d’Europe, que disputait le Racing, qui venait de gagner la Coupe de la Ligue. J’avais peur du vide et je me suis précipité dans mon choix. Valenciennes a aussitôt accédé facilement à la Ligue 1 et s’y est installé. Même avec moi comme gardien, le club serait monté largement. Au lieu de ça, je n’ai fait que 15 matchs pour ma première saison à Strasbourg, et j’en ai quand même gagné quatre. Je suis élu joueur du mois de décembre par les supporters puis on perd – comme beaucoup d’équipes – 4-0 contre l’OL en janvier (dont un but de Jérémy Berthod). Le coach me sort en me disant que je n’ai pas été fautif mais que je n’ai pas été décisif. Les dés étaient pipés dès le départ car de mon côté, je n’avais pas le droit à l’erreur. La situation est la même ensuite avec JPP (L2) et Jean-Marc Furlan (L1). Quand tu es doublure de Coupet, ce n’est pas grave, mais quand tu es doublure de Cassard en L2, le monde du foot se montre impitoyable. Le club est quand même descendu jusqu’en National avec lui dans les buts derrière…
Quant à toi, tu tentes de rebondir à Nîmes (2008-2010).
Il fallait que j’essaie de me relancer. Là, je repasse à l’amateurisme chez ce promu en L2. Il n’y avait pas de structures. C’est familial avec un très bon coach proche de ses joueurs, Jean-Luc Vannuchi (actuellement en galère à Auxerre). Mais le club n’investit pas très bien son argent en prenant par exemple Élie Kroupi qui revient de Grèce avec un genou dans le sac. C’est une belle aventure. On se sauve à la dernière journée avec le Corse Jean-Michel Cavalli qui arrive sur le banc en décembre. Il nous fait bétonner à cinq derrière. Puis il révolutionne tout et recrute à sa main. C’est là que je me rends compte à quel point le foot est un business. Il fait marcher son réseau et il crée une équipe pour son fils Johan. Il valait mieux être pote avec lui… (Sourire)
« Je ne voulais pas m’acharner. Je m’imaginais plus m’arrêter à 33 ans qu’à 29 mais je savais déjà que j’allais entreprendre »
« J’ai eu la chance d’être au bon endroit au bon moment à l’OL »
Le foot te manque-t-il aujourd’hui ?
Non, pas trop finalement, hormis quelques détails. Mes beaux-parents habitent à côté d’un stade de foot. Un soir, on a mangé chez eux et j’ai entendu un coup de sifflet. C’est con un coup de sifflet, mais j’en ai entendus toute ma vie, et là ça faisait une éternité… J’ai quand même toujours l’appel du terrain malgré tout et je suis les matchs de l’OL.
Te rends-tu encore souvent à Gerland ?
Non, je n’y vais jamais. C’est trop… (il hésite), c’est bizarre. Je pense qu’il y aurait un brin de nostalgie. J’ai hésité à y aller contre la Juve. Mais je suis dans un tout autre rythme désormais, j’ai deux restaurants à gérer depuis plus d’un an (la franchise de bars à salades et pâtes Green is better, à Gorge de Loup et à Vaise).
À 33 ans, tu ne te vois plus revenir dans le monde du foot ?
Je souhaite agir étape par étape et d’abord m’adapter à mon rythme de vie professionnel. Mais j’ai de l’expérience à partager donc pourquoi pas me rendre utile auprès de jeunes gardiens ou des médias.
Avec le recul, gardes-tu des regrets de ton expérience à l’OL ?
J’ai pu jouer plein de gros matchs et gagner des titres à Lyon. Mais je n’ai jamais eu l’opportunité de disputer un derby. C’est vraiment un match que j’aurais aimé vivre. Sinon, j’ai quand même eu la chance d’être au bon endroit au bon moment à l’OL. J’ai ma part de responsabilité dans des titres du club mais ils ne sont pas dus à moi. Les vrais gens importants sont ceux qui restent dans la mémoire collective des supporters, comme Juninho ou Greg Coupet. On est beaucoup plus nombreux à avoir fait notre part du boulot et n’avoir été que de passage.
Propos recueillis par Jérémy Laugier