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Fekir maîtrise ça comme
- Publié le: 9 mars 2015
RANK’N’OL #S03E35. Le soir où l’OL n’a plus le choix, lui n’en peut plus de devoir faire le sien. On savait que Fekir était un joueur à part. On n’imaginait pas qu’il pouvait l’être encore à ce point, bien aidé par la grâce d’un meneur et la puissance d’un collectif retrouvés. L’anthologie était bien de sortie à la Mosson (1-5). Rien de plus dur pour un Rank qui doit suivre.
Le match : Retour au stade de la Moisson
Le mode d’emploi : Let’s Rank’n’OL !
1. Nabil Fekir
Le scénario était rocambolesque, un peu pathétique, usant surtout. Mais l’attente de la décision de Nabil Fekir quant à sa sélection aura au moins permis de recenser les sceptiques. « Un feu de paille » par ci, « un joueur qui n’a que six mois de Ligue 1″ par là, etc. Tout ça pour en arriver au mépris suprême : « C’est qui d’abord Fekir ? » Un récital plus tard, Nabilon aura donc fait fermer quelques bouches. Et alors qu’on a longtemps pensé qu’il aurait dû commencer par fermer la sienne, on s’est rendu compte que finalement non, il avait le droit d’hésiter tant la situation impliquait bien au-delà de son simple cas. Car à la sortie d’un match au cours duquel il a provoqué le pénalty de l’égalisation (1-1, 30e) et inscrit les deux buts suivants avec la complicité de Gourcuff – mais en soignant à chaque fois délicieusement la conclusion d’une frappe enroulée de l’intérieur (1-2, 40e) puis d’un subtil ballon piqué (1-3, 70e) –, on en a la certitude : si Fekir peut changer le destin d’un match ou même d’une saison, il peut sûrement bouleverser celui d’une sélection à un moment ou un autre. Il fallait donc peut-être en passer par quelques couacs pour avoir vraiment conscience de la valeur du bonhomme. Et pour le coup, Fekir a parfaitement orchestré son story telling en soignant la conclusion. Car sans méprises, la puissance n’est rien.
2. Maxime Gonalons
On a vu l’espace d’une mi-temps à Lille ce que valait un moment d’égarement. On l’a d’autant mieux compris qu’il suffisait d’un retour tout en impact et en assurance dans la tenue du milieu pour que l’OL en finisse avec son allure de leader cheap. Que Paris et Marseille reprennent leur marche en avant et voilà Washing Maxime qui reprend la seule marche qui compte, celle sur le milieu adverse. Les vingt-huit ballons récupérés à l’épaule ou dans les pieds disent déjà le niveau de performance. Aucun n’imprime mieux le mouvement que suivra tout le reste de l’équipe quand son capitaine s’enfonce à travers les lignes depuis le rond central pour décocher plein axe une frappe rasante tout en rage intérieure (22e). Le passage par l’axe quand les couloirs sont à la peine (Jallet et Bedimo) et la traversée entre les lignes un peu lâches, c’est bien ainsi que quatre des cinq buts de la soirée finiront par arriver. S’il arrive à Gonalons d’entraîner les siens quand il passe à côté, c’est bien parce c’est à lui qu’il revient de mettre l’OL au centre des ébats.
3. Alexandre Lacazette
Au terme d’une séquence où l’on aura douté des aptitudes lyonnaises à tenir le rang (de leader) et au bout d’un week-end marqué par le retour en grand des autres prétendants, Lacazette n’avait plus le choix. Il ne suffisait pas de gagner. Il fallait marquer. D’abord des buts. Ensuite les esprits. Prouver au monde que, malgré la pression qui semble s’être emparée de tout un groupe, de sa révélation, de son entraîneur, de son président, il est bien de la trempe des plus grands qui changent bien plus que le récit d’une journée. Pour ça que l’affaire n’a jamais semblé aussi mal barrée que sur ses deux premières tentatives où il se manque : un premier départ dans la surface où il est trop court pour devancer Jourdren (8e), un second où le contre du gardien montpelliérain manque de profiter à Gourcuff (12e). Quand il hérite du pénalty que Fekir a ramené, sa petite course d’élan sentirait presque la lose. Un contre-pied plus tard, on a compris qu’il était peut-être bien le seul à ne pas y penser (30e). Un dernier duel pour s’assurer que le cadre le fuit sur les attaques placées (45e) et le voilà qui laisse la place à Fekir pour faire la différence. Ce qui ne veut pas dire toutes les différences. Car le Kid de Mermoz sait aussi y faire pour claquer des passes – une première pour Tolisso (56e), une autre pour Ferri (69e) qui trouve la barre – et des appels qui savent embarquer la défense héraultaise. À la sortie de Nabilon, l’affaire est suffisamment pliée pour marquer une dernière fois, celle qui compte vraiment à l’heure du bilan. Où la semaine, on ne vit plus sous pression. Et les soirs de match, on ne gagne pas sans pression.
4. Samuel Umtiti
Lyon attend depuis si longtemps une vraie paire de centraux que toute la ville vit désormais dans l’angoisse qu’on lui en pique la seule moitié qui vaille aujourd’hui. Moitié est d’ailleurs un peu réducteur. Car Samuel Umtiti garde (presque) seul la maison tout en trouvant le temps d’aller piller celle d’en face, comme sur cette percée de la 28e suivie de la passe, géniale, qui amène le penalty de l’égalisation. La première transversale pour Gourcuff, après vingt secondes de jeu, avait donnée le ton. La passe, optimiste celle-là, pour un Tolisso un peu trop entouré et pas assez inspiré allait entraîner l’ouverture du score sur laquelle il ne fait pas assez mal à Bryan Dabo, passeur pour Lucas Barrios (1-0, 6e). Et c’est encore lui qui concède le penalty qui aurait pu ramener Montpellier à 2-3, sur une action où il est davantage fautif pour une perte de balle initiale que pour ce tacle absolument parfait sur Paul Lasne au moment de rattraper son erreur. Anthony Lopes réparera certes l’injustice face à Barrios (80e), mais on tient là les deux seules fautes de goût du match du Fossoyeur de Ménival. En même temps, c’est à peu près tout ce qu’il restera de son match dans les résumés vidéo. Et c’est tant mieux. Si tout Lyon sait qu’Umtiti est génial, personne n’a envie que ça se sache.
5. Yoann Gourcuff
À force de l’entendre répéter que, dans son football de rêve, il y a la passe et rien d’autre, on a longtemps tenu Gourcuff pour un idéaliste. Comprendre, un type un rien dépassé, perdu pour le football et cette réalité implacable qu’il refuserait de voir – le don de soi et les coups qu’il faut accepter de prendre. En le voyant partir sur une récupération de Gonalons et balancer ce modèle de une-deux avec Fekir (40e), on a fini par comprendre qu’il y avait là une requête souterraine. Parce qu’en tant que telle, une passe ne veut rien dire si elle n’a pas le mouvement qui l’accompagne. Rien de plus simple qu’une passe. Rien de plus difficile que de suggérer à ceux qui vous entourent de la déclencher. C’est peut-être là que se situe le drame pour Gourcuff, à devoir se tenir sur cette limite entre ce jeu tel que lui le conçoit et qui peut le renvoyer à une solitude sans fin, et sa réalisation qui dépend tellement des autres. C’est dans le passage de l’un à l’autre que Gourcuff a besoin de toute sa caisse, pour amortir les chocs inévitables dans ces périodes où il faut temporiser, conserver, patienter. Après quoi, il peut redevenir l’un des tous meilleurs meneurs, pas seulement pour sa grâce, mais pour son efficacité, dans le jeu en première intention – pour Fekir dans un second une-deux exécuté côté opposé, pour le même effet (72e). Du jeu en mouvement pour un joueur émouvant.
Par Pierre Prugneau et Serge Rezza
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(Photo Richard Gosselin – Panoramic)