Un Cascol hors catégorie

FORMATION. Comment le Cascol Oullins, qui n’a dans son histoire disputé que deux saisons en Ligue Honneur (alors 5e échelon français) dans les années 90 a-t-il pu devenir une référence dans le football lyonnais ? En formant tout simplement une vingtaine de joueurs devenus professionnels à partir des années 80, dont Sabri Lamouchi, Eric Abidal et Florent Balmont.

Cascol

Avant d’exceller en tant que latéral au Barça, Eric Abidal a évolué durant six saisons au poste de milieu gauche au Cascol Oullins. (Photo Panoramic – Paco Largo)

 

Un onze type qui a de la gueule

Depuis une trentaine d’années, le président du Cascol Jean-Claude Quiot recense 22 joueurs devenus professionnels après être passés par Oullins dans les catégories jeunes. Aucun autre club amateur de la région Rhône-Alpes ne peut évidemment se targuer de pareille référence. Voici ci-dessous à quoi le onze type pourrait ressembler. Parmi les principales curiosités, on notera la présence de Yacine Hima (ex-OL, désormais à la Duchère), mais aussi celle du Lillois Florent Balmont et de quatre internationaux : Patrice Garande, Jean-Michel Ferri, Sabri Lamouchi et plus récemment Eric Abidal. L’ancien défenseur barcelonais est une figure d’autant plus emblématique du club oullinois qu’il y a évolué six saisons, de 13 à 19 ans, avant de rejoindre la Duchère, puis d’être repéré par Claude Puel, alors à Monaco. « Il était remplaçant en 15 ans nationaux avant de subir une fracture tibia-péroné à l’âge de 16 ans, se souvient Jean-Claude Quiot. Il est alors revenu comme une furie et a explosé d’un coup avec nous. » S’il ne l’a entraîné que trois mois en cadets Ligue Honneur avant sa grave blessure, Jean-Michel Damon a été marqué par « son super mental ». « Je le laissais à la piscine d’Oullins et il rentrait à pied jusqu’à Saint-Genis-Laval après chaque entraînement (plus de 4 km) », se souvient celui qui l’alignait alors comme milieu gauche dans un 4-3-3, où figurait aussi à droite Florent Balmont.

Le onze type des joueurs formés au Cascol Oullins

« Pas un hasard »

Champion de France avec l’OL en 2002 et 2003, Jean-Marc Chanelet est lui aussi passé par le Cascol, de 8 à 12 ans, avant de suivre ses parents à Aix-en-Provence. « C’était déjà un club avec une renommée, se souvient l’ancien arrière droit professionnel. J’étais gamin donc je ne me rendais pas totalement compte de sa réussite concernant la formation, et du fait qu’il alimentait l’OL. Mais il y a tellement de joueurs qui ont fait une carrière après être passés par le Cascol, ça prouve que ce n’est pas un hasard. » Quelle est la recette du club oullinois, qui a fêté ses 70 ans en 2012 ? Son école de football a été créée dès les années 60, avec des emplois du temps rapidement aménagés entre le temps scolaire et les entraînements. Et ses tournois jeunes ont permis à partir de 1975 d’accueillir tous les plus grands clubs français au stade du Merlo.
« L’ambition est d’être professionnel dans l’administratif et la gestion sportive tout en évoluant dans le monde amateur », suggère aussi Jean-Claude Quiot, en poste depuis sept ans. Entraîneur des cadets Ligue Honneur durant quatre saisons à la fin des années 90, Jean-Michel Damon met surtout en avant la compétence des dirigeants et des éducateurs pour expliquer la réussite du club lors de la dernière grande période dorée (Abidal, Balmont). « A l’époque, on avait tous les meilleurs jeunes de la région, d’autant que l’OL nous envoyait les 15 ans nationaux qu’il ne gardait pas, confie-t-il. Si on compare avec Vaulx-en-Velin, qui avait un vivier de jeunes encore plus impressionnant, ceux-ci n’avaient pas le mental pour s’élever plus haut. Au Cascol par contre, les gars étaient bien suivis par leurs parents et avaient tous un très bon mental. Là-bas, j’étais le roi du pétrole ! » Oullins a aussi su surfer à travers le temps sur sa réputation de pépinière, même si plus aucun joueur n’a percé depuis Rafik Bouderbal (25 ans, ex-pro à Lorient mais aucun match en L1, aujourd’hui à Bourg Péronnas en National)…

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Document : Florent Balmont avec une tête de gentil. C’était lors de l’anniversaire
du Cascol (70 ans) que le milieu lillois n’avait pas manqué en 2012. (DR)

Victime de son succès

Le savoir-faire du Cascol a dépassé les frontières du Rhône, tant il est vu comme « un passage obligatoire » pour un jeune joueur. La plupart des clubs pros français envoient des agents au stade du Merlo, notamment depuis qu’Eric Abidal a pris sa dimension internationale. « Un jour, un agent est même monté dans le bus pour demander sans complexe le numéro des gamins.
Il faut vraiment que les parents soient attentifs », précise Jean-Claude Quiot, qui regrette
« le pillage des très jeunes joueurs ». D’autant plus que son club ne touche une belle indemnité (environ 5 000 euros) que si le jeune est transféré après ses 12 ans.

Partenaire de l’OL

Le Cascol Oullins est devenu partenaire de son voisin lyonnais depuis 2005. « L’OL s’est loupé sur Abidal (acheté 8,5 millions à Lille en 2004) et se montre plus vigilant maintenant », rapporte le président du Cascol, qui attend davantage de cet accord que « des invitations à Gerland pour les licenciés ». Jean-Claude Quiot se reconnaît tout de même pleinement dans la nouvelle politique sportive de l’OL : « Le père Aulas a tout compris en revenant aux sources avec tous ces joueurs sortis du centre de formation. C’est du bonheur et une chance de voir Rémi Garde à la tête de ce projet ».

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Le président du Cascol Jean-Claude Quiot échange photos et maillots dédicacés avec les anciens Oullinois devenus pros. (Photo Le Libéro Lyon – Jérémy Laugier)

 

Plus de prime de match

Le président Jean-Claude Quiot a des méthodes bien à lui pour faire évoluer son club. Outre l’aménagement d’un terrain synthétique pour 2014, il va également faire installer des projecteurs autour du stade pour une raison précise : « Les gars sortent jusqu’à 4 h du matin le samedi et jouent le dimanche. Avec l’éclairage, on pourrait faire jouer tous les matchs de l’équipe première le samedi soir. Derrière, les gones auront le droit de rentrer de boîte le lundi, ce ne sera plus mon problème ! » Il s’est également distingué en supprimant depuis trois saisons toute prime de match pour l’équipe fanion. « Vous donnez 50 euros à un gamin de 18 ans, il fait le tour du monde aujourd’hui. Mais moi, je vois mon club différemment et je dois être le seul président à avoir retiré les primes. » Un budget reversé depuis trois ans… à la formation des éducateurs, évidemment.

La découverte du Stade de France

Avec leur 32e de finale de Coupe Gambardella face à Nancy (0-6), les U19 ont été la fierté du Cascol la saison passée. Le petit poucet de la compétition (Excellence District) a notamment créé la surprise face à Cluses et Echirolles. Une performance qui a poussé les jeunes… à réclamer une prime à leur président ! Celui-ci a préféré y aller de sa petite leçon de vie en emmenant en bus toute l’équipe assister aux finales de Coupe Gambardella et de Coupe de France à Saint-Denis le 31 mai. « Je leur ai montré qu’il y avait d’autres valeurs que des primes individuelles. Leur première fois au Stade de France, ils s’en souviendront toute leur vie. Alors qu’une prime… »

Jeunes Cascol

Le Cascol a découvert le Stade de France en mai dernier… pour assister
aux finales de Gambardella et de Coupe de France.
(DR)

Des seniors anonymes

Le club oullinois, qui recense 460 licenciés, va notamment attaquer cette saison avec quatre équipes en Ligue (seniors 1, U17, et deux formations U15). L’équipe première, qui évoluera à nouveau en PHR (8e niveau français), n’a jamais vraiment connu d’heure de gloire dans son histoire. Hormis la victoire en Coupe du Rhône en 2008, elle a surtout buté en Honneur (deux saisons au 5e échelon national dans les années 90) et au 7e tour de la Coupe de France. « Mais avec notre budget de 40 000 euros, il est impossible de monter aussi haut aujourd’hui que Vaulx-en-Velin, les Minguettes ou la Duchère qui peuvent s’appuyer sur 250 000 euros », relativise Jean-Claude Quiot. Le jeunisme a donc encore de belles heures devant lui au Cascol.

Jérémy Laugier

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